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LES VRAIES RAISONS DE L'EURO

A partir du 1er janvier les euros remplaceront progressivement les francs dans nos porte-monnaie. Nul doute que cette arrivée va poser quelques problèmes. D'abord aux Européens, qui ne sont pas tous des champions du calcul mental. Ensuite aux autorités monétaires elles-mêmes, qui devront gérer une période de transition pleine d'incertitudes.
Que va-t-il en effet se passer ? Quelles vont être les conséquences du changement d'étiquettes sur les prix ? Comment les consommateurs vont-ils réagir ? Risque-t-on d'assister à un mouvement d'achats accélérés dans les semaines qui précéderont l'opération puis, à l'inverse, à une période d'attentisme pendant les mois qui suivront ? S'ils sont mal anticipés, ces mouvements pourraient sérieusement perturber la gestion macroéconomique de l'économie européenne : son approvisionnement en liquidités pourrait se révéler insuffisant par rapport aux besoins (effet déflationniste) ou, au contraire, excédentaire (effet inflationniste).
Il est d'autant plus difficile d'imaginer comment se déroulera le passage à l'euro que l'on ignore encore quelles seront les retombées du drame de New York et de la guerre au terrorisme menée par les Etats-Unis. Il n'est pas impossible que la mise en place de l'euro se fasse dans les pires circonstances économiques. D'ici quelques mois, certains pourraient même regretter de ne pas avoir immédiatement pris la décision de suspendre l'opération (comme Jean-Pierre Chevènement a été le seul à le préconiser). Mais, évidemment, rien n'est sûr.
Au-delà de ces perspectives de court terme, reste une question majeure à laquelle il est plus facile de répondre : qu'est-ce que cette Union monétaire va apporter à l'économie européenne ?
La terre promise
Si l'on en croit la publicité diffusée par les sites officiels de l'Union européenne, l'achèvement du passage à la monnaie unique devrait se traduire par une plus grande transparence des prix, donc plus de concurrence sur tout le territoire des douze pays concernés, plus d'emplois et moins de chômage, une meilleure gouvernance monétaire, la disparition de tout risque de change pour les transactions commerciales intra-communautaires, une diminution du coût des capitaux, davantage d'investissements et, pour finir, un taux de croissance plus élevé.
Au cours des dix dernières années, les Etats-Unis ont connu une croissance moyenne supérieure de plus d'un point à la croissance européenne. Même si le fléchissement enregistré depuis environ un an laisse penser que les performances américaines ont été quelque peu gonflées par un processus de surinvestissement massif, il n'en reste pas moins que le pays a bénéficié d'une formidable poussée de productivité qui lui a assuré plusieurs longueurs d'avance par rapport à une économie européenne que handicape l'évidente lenteur de ses ajustements structurels.
Est-il certain que l'Union monétaire conduira à résorber ce différentiel de croissance potentielle entre les deux rives de l'Atlantique ? N'y a-t-il pas lieu de penser, au contraire, qu'elle peut être un facteur de freinage de cette convergence ?
Les autorités de Bruxelles nous présentent l'euro comme une terre promise. Elles ne voient que des avantages à la monnaie unique et en négligent systématiquement les coûts. Ils existent pourtant et sont sans doute loin d'être aussi …