Richard Heuzé - Monsieur le Ministre, au 1er janvier 2001, l'euro deviendra la monnaie de l'Europe. Ce passage a-t-il, selon vous, été bien préparé ?
Mario Baldassarri - N'oublions pas que l'euro est déjà en vigueur depuis trois ans, très précisément depuis le 1er janvier 1999. En dépit d'une baisse initiale due à la virtualité de la nouvelle monnaie, l'objectif a été atteint : celui de « tenir » ensemble les pays de l'Union monétaire, y compris et d'abord face aux chocs extérieurs. Et ces chocs n'ont pas manqué : crises financières, notamment en Russie, hausse des prix du pétrole, etc. Évidemment, sa performance face aux autres devises, en particulier face au dollar, n'est pas encore à la hauteur de nos espérances de parité substantielle. Mais la force de la monnaie dépend avant tout de la force de l'économie : la faiblesse de l'euro vis-à-vis du dollar n'est que le reflet de la faiblesse relative de l'économie européenne par rapport à l'économie américaine. Cela dit, même s'il n'existe pas encore d'économie unique et encore moins de politique unique, l'euro en tant que monnaie unique joue, d'ores et déjà, un rôle capital. Ce n'est pas un hasard si les grandes opérations de restructuration et de fusion d'entreprises européennes, qui leur permettront de se mesurer à armes égales à leurs concurrents sur les marchés internationaux, ont eu lieu après l'avènement de l'euro. En bref, on peut dire que l'euro fonctionne déjà puisque, de 1999 à 2002, l'Europe a eu une politique monétaire et un taux d'intérêt uniques — ce qui, en soi, est fondamental.
R. H. - Qu'en est-il pour l'Italie ?
M. B. - Il est certain que l'Italie a été fortement avantagée par la convergence des taux. Son action visant à réduire un endettement public extrêmement élevé (1) s'en est trouvée renforcée. Les succès remportés dans ce domaine dépendent, en effet, pour une large part, de la réduction des taux d'intérêt.
R. H. - Reste que l'euro commencera à circuler à partir de janvier prochain. Comment percevez-vous ce changement ?
M. B. - La mise en circulation « physique » de l'euro constitue un fait historique. Au cours des trois dernières années, les Européens n'ont peut-être pas compris l'importance de la monnaie unique parce qu'ils continuaient d'avoir en poche leur propre devise nationale : franc, mark, peseta, lire... Ce passage se traduira, à n'en pas douter, par un vrai bouleversement. Sur le plan économique, les transactions vont être facilitées. Aujourd'hui encore, les banques continuent à prélever des commissions de change bien que les taux soient fixes. Cela ne devrait plus être le cas demain. L'arrivée de l'euro annulera, de fait, le coût de ces transactions.
R. H. - Comment les Italiens accueilleront-ils l'euro ?
M. B. - Il y aura sans doute quelques problèmes d'adaptation. Dans tous les pays européens, les gens ont l'habitude de compter dans leur monnaie. De ce point de vue, le passage à l'euro sera perçu différemment d'un pays à l'autre : mes compatriotes, par exemple, …
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