14 septembre 2001 : les ruines du World Trade Center fument encore. Déjà, les premiers éléments de l'enquête indiquent que la majorité des pirates de l'air sont d'origine saoudienne. Une première dans l'histoire du terrorisme islamique ! Jusqu'alors, le détournement d'avions était plutôt une spécialité des Syriens ou des Palestiniens ... Certainement pas de ressortissants d'Arabie Saoudite, pays considéré comme le meilleur allié des intérêts américains dans le monde arabe.
Il faut pourtant se rendre à l'évidence : le FBI attribue la nationalité saoudienne à huit des dix-neuf pirates et certains spécialistes y ajoutent jusqu'à sept autres noms. Les autorités de Riyad protestent, faisant valoir que les terroristes du 11 septembre ont pu usurper une fausse identité. La preuve : les noms publiés sur le site du FBI appartiendraient à des personnes toujours en vie qui résident en Arabie Saoudite ou dans l'un des pays du Golfe. Or, explique un universitaire d'origine saoudienne qui souhaite rester anonyme : « Il y a des centaines de gens qui portent le même nom et prénom dans cette région, et il faut remonter parfois jusqu'au grand-père, voire plus loin, pour distinguer les individus. »
Bref, les indices ne manquent pas pour orienter l'enquête vers l'Arabie Saoudite. Plus particulièrement vers l'opposition au royaume symbolisée par un groupe d'idéologues islamistes dont les leaders, emprisonnés depuis 1994, se nomment Salman Al-Awdah et Sfar Al-Hawli.
Pouvoir et religion
« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis ! Quant à mes ennemis, je m'en charge ! » Après le traumatisme du 11 septembre, nombre d'observateurs ont regretté que les Occidentaux, et en particulier les Etats-Unis, n'aient pas médité cette belle formule attribuée à Voltaire. Une partie de la communauté du renseignement américain, relayée par la presse, s'interroge à présent sur le rôle ambigu de l'Arabie Saoudite. Au point que, fait rarissime dans la diplomatie saoudienne, les autorités de Riyad se sont senties obligées de répondre directement aux attaques des journaux américains. Le prince héritier Abdallah et l'ancien responsable des services de renseignement, le prince Turki, écarté du pouvoir quelques semaines avant les attentats de New York et de Washington, se sont exprimés début novembre pour réaffirmer leur soutien aux Etats-Unis et dénoncer cette campagne qui nuit à la réputation de leur pays.
D'ou vient cette soudaine suspicion envers l'Arabie Saoudite ? Probablement d'une overdose de wahhabisme. Ce courant rigoriste, qui se réclame d'un islam pur et originel, constitue le soubassement religieux et idéologique du royaume. L'union sacrée, scellée au XVIIIe siècle entre Muhammmad Ibn Abd al-Wahhab, le fondateur du wahhabisme, et le chef de la dynastie bédouine des Saoud aboutira à la naissance de l'Arabie Saoudite en 1932. C'est dire que toute la légitimité du pouvoir repose sur le soutien des religieux. Jusqu'à présent, les Al-Saoud sont toujours parvenus à maîtriser les instances religieuses. Chaque fois qu'ils ont sollicité leur soutien, ils l'ont obtenu. La première épreuve de force remonte aux années 1927-1929, au moment de la révolte des Ikhwan. Accusé par ce mouvement politico-religieux d'avoir dévoyé le wahhabisme …
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