Les chantres de l'anti-américanisme en seront pour leurs frais. En effet, les observateurs les plus sceptiques doivent reconnaître, aujourd'hui, que George Bush, ses ministres et ses conseillers conduisent leur offensive contre le terrorisme international avec professionnalisme, cohérence, obstination, courage. Et sans sacrifier l'objectif final aux attraits de la rentabilité politique à courte vue.
Il existe une différence majeure entre le politicien et l'homme d'État : le premier songe à la prochaine élection ; le second, lui, à la prochaine génération. George Bush Jr serait-il en train de devenir, sous nos yeux, un véritable homme d'État ?
Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que l'intervention américaine en Afghanistan laisse en suspens un certain nombre d'interrogations auxquelles ce Numéro d'hiver tente d'apporter des réponses claires. Et cela, comme toujours, en donnant la parole aux experts et aux acteurs ; à ceux qui analysent l'événement et à ceux qui, sur le terrain ou dans les palais officiels, contribuent à le façonner.
— A quoi ressemblera, précisément, l'Afghanistan de l'« après-Talibans » ?
— Le général Moucharraf parviendra-t-il à se maintenir au pouvoir à Islamabad ? S'il disparaissait de la scène, qui pourrait le remplacer et pour faire quelle politique ?
— A quel avenir les relations indo-pakistanaises sont-elles vouées ? Comment, au cœur même de ces relations, l'enjeu qu'est le Cachemire sera-t-il géré ?
— Quelles leçons doit-on tirer du lien, désormais évident, entre certains mouvements fondamentalistes saoudiens et les réseaux terroristes ? A quelles conditions l'Arabie Saoudite — dont on s'aperçoit à présent qu'elle jouait avec le feu depuis une vingtaine d'années — pourra-t-elle rester un allié solide et fiable de Washington ? La « Maison des Saoud » est-elle, à terme, menacée ?
— Quelles incidences le « grand basculement » déclenché par les attentats du 11 septembre 2001 aura-t-il sur les rapports États-Unis/monde arabe, sur le processus de paix au Proche-Orient, sur les économies des zones les plus déshéritées de la planète ?
— Comment les Européens et les régimes arabes réagiront-ils si George Bush décide d'étendre son combat contre le terrorisme à d'autres États que l'Afghanistan ?
— En diffusant les messages de Ben Laden et en lui offrant ainsi une tribune mondiale, Al-Jazira — la télévision créée de toutes pièces par le petit émirat du Qatar — a-t-elle obéi à d'obscures arrière-pensées ou, simplement, rempli son devoir d'information ?
— La lutte contre les organisations terroristes est-elle une mission à réserver exclusivement aux armées nationales ou devrait-elle, à l'occasion, être sous-traitée à des compagnies militaires privées ?
C'est à toutes ces questions, parfois légèrement iconoclastes, que notre Rédaction, ce trimestre, a attaché son intérêt.
Il va de soi que sont également traités, dans ces pages, la plupart des autres grands thèmes de l'actualité. Des thèmes aussi contrastés que les progrès de la justice pénale internationale, le retour en force des souverains déchus, le rôle subtil des oligarques dans la Russie de Vladimir Poutine, l'influence croissante des sectes dans la Chine de Jiang Zemin…
« La vérité — écrivait Condorcet — appartient à ceux qui la cherchent et non point à ceux qui prétendent la détenir. » On voudra bien convenir que cette forte maxime nous a, une fois encore, inspirés.
A toutes et à tous : bonne lecture.