Emmanuel Halperin - Après les déceptions qui ont été les vôtres depuis les négociations de Camp David et de Taba — l'échec électoral de M. Barak, les violences de l'Intifada, la détérioration des relations entre Israël et l'Égypte, la montée de la haine à l'égard d'Israël dans le monde arabo-musulman, en particulier après le 11 septembre —, espérez-vous encore connaître, de votre vivant, un Proche-Orient en paix ?
Shlomo Ben-Ami - Dans un avenir prévisible, je ne vois pas de possibilité de réconciliation. A long terme, c'est envisageable. Mais ce qui me semble essentiel, pour le moment, c'est de mesurer la formidable intensité du rejet dont Israël fait l'objet. Je dois le dire en toute honnêteté, et au-delà de toute considération politicienne : la cause palestinienne s'est révélée à nous comme étant le fer de lance du combat arabo-musulman contre Israël. Il y a eu, de la part d'Arafat, une « dé-palestinisation » de la question palestinienne, qui se présente désormais comme l'expression d'un projet global anti-israélien. D'où mon sentiment que nous ne sommes pas dans un conflit de courte durée.
E. H. - Diriez-vous qu'on assiste à une panarabisation ou plutôt à une islamisation de la question palestinienne ?
S. B.-A. - Il s'agit essentiellement d'une islamisation. Je ne peux pas exclure qu'un accord politique restreint soit finalement conclu avec les Palestiniens, mais il m'apparaît désormais extrêmement difficile d'aboutir à un règlement sur le fond et à une authentique réconciliation. En révisant mon analyse, je suis passé par une comparaison entre le cas palestinien et le cas égyptien. Pourquoi avons-nous réussi à nous entendre avec l'Égypte ? Parce que le contrat ne portait que sur des valeurs immobilières : nous vous rendons un territoire, vous acceptez un arrangement en échange. Avec les Palestiniens, le processus devait aller plus loin, jusqu'à une paix réelle. Nous voyons bien maintenant que, même en leur cédant tous les territoires, nous n'obtiendrons pas la paix.
E. H. - Selon vous, du point de vue d'Arafat, « tous les territoires », ce serait aussi tout l'État d'Israël ?
S. B.-A. - En partie, sans doute. Mais, pour Arafat, la terre ne suffit pas. Il y a aussi le droit au retour des réfugiés. Or, la reconnaissance de ce droit par Israël n'est pas acceptable. Ce serait plus grave que le retour effectif d'un certain nombre de réfugiés.
E. H. - De son côté, Israël exige des Palestiniens qu'ils reconnaissent le droit du peuple juif à sa patrie. Ces derniers s'y refusent en usant du même argument : c'est la reconnaissance du droit qui pose problème, pas le fait. Le fait, ils l'auraient accepté en signant les accords d'Oslo. Que pensez-vous de ce parallélisme ?
S. B.-A. - C'est précisément en renonçant au retour des réfugiés qu'Arafat reconnaîtrait le droit de l'État d'Israël à exister. Le fait même qu'il n'y renonce pas montre bien qu'il persiste dans son rejet. C'est là le vrai problème : exiger d'Israël qu'il reconnaisse ce droit, c'est saper les fondements de …
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