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SEOUL-PYONGYANG: RADIOSCOPIE D'UN NAUFRAGE

L'élection, fin 1997, de Kim Dae Jung - un démocrate de longue date dont les démêlés avec les régimes autoritaires de Corée du Sud étaient rapportés dans la presse nord-coréenne comme une preuve de la nature fascisante du pouvoir de Séoul - devait logiquement ouvrir une ère politique nouvelle, en particulier dans le domaine des relations entre les deux Etats de la péninsule.
La logique a été respectée. Et il faut reconnaître à Pyong-yang le mérite d'avoir saisi immédiatement la portée de l'événement. Ce n'est pas un hasard si la presse officielle - la seule autorisée - tut à la population nord-coréenne le nom du nouveau président du Sud pendant des mois : il lui était pour le moins difficile, dans le cadre de sa propagande, de reconnaître que la « victime-du-gouvernement-fasciste-à-la-solde-de-l'impérialisme-américain » avait pu devenir président de la République !
Côté sud, l'ère nouvelle s'ouvrit par un changement radical à l'égard du voisin communiste du nord. Et d'abord par un changement de ton : on évita désormais toute polémique. Bientôt, l'Etat nord-coréen, qui comme tous les Etats totalitaires a besoin d'un ennemi à désigner à la vindicte des masses, se retrouva dans la situation d'un boxeur qui continuait à combattre alors que son adversaire avait quitté le ring.
De la fin de l'affrontement on passa ensuite à des rapports positifs mais discrets. Les contacts interrompus depuis cinq ou six ans furent renoués, malgré quelques incidents abordés par Séoul d'un point de vue purement technique : la capture d'un sous-marin nord-coréen en juin 1998 dans les eaux territoriales sud-coréennes puis, en juin 1999, un combat naval avec des navires nordistes qui avaient pénétré dans les eaux sud-coréennes. On l'a appris depuis : en mars de cette année-là, William Perry, le coordinateur de la politique américaine en Corée du Nord, était à Séoul. Le président Kim Dae Jung l'informa qu'il était en train de mener secrètement des négociations avec Pyongyang en vue d'un sommet inter-coréen. Des discussions se tenaient à Pékin depuis décembre 1998 sous la direction de Kim Bo Hyun, bras droit de Lim Dong Won, chef des services secrets sud-coréens et futur ministre de la Réunification. Le 17 mars 2000, le porte-parole du président, Park Jie Won, prenait le relais. C'est de lui surtout qu'on a parlé dans la presse alors qu'il ne faisait que parachever un dialogue fructueux. En avril, enfin, on put annoncer que les deux leaders, du Nord et du Sud, se rencontreraient deux mois plus tard.
Les principes de la sunshine policy
Rétrospectivement, on a l'impression que c'est bien en cette fin d'hiver 1999-2000 que l'accord s'est forgé. C'est du 9 mars 2000 que date la fracassante déclaration du président Kim Dae Jung à l'Université libre de Berlin sur sa volonté d'aider l'économie nord-coréenne à se relever. C'est à cette époque également, le 19 février, que le président sud-coréen accorda un entretien à des parlementaires de retour de mission aux Etats-Unis : «Au début, le Nord se méfiait de nos intentions, déclara-t-il, mais il a …