Les Grands de ce monde s'expriment dans

LE RETOUR DES MERCENAIRES

Parmi les «nouvelles menaces» (terrorisme, cyber-criminalité, etc.) les plus couramment admises, le mercenariat n'est jamais cité. Certes, il n'est pas vraiment «nouveau» : ne dit-on pas qu'il s'agit du «second plus vieux métier du monde» ? Pour beaucoup, les sinistres exploits des mercenaires catalans almugavares qui détruisirent l'Empire byzantin au XIIIe siècle et ravagèrent les monastères du mont Athos, ou les frasques sanguinaires des «affreux» et autres «chiens de guerre» des années 60, sont engloutis dans les catacombes de l'Histoire.
Mais la dernière décennie a vu une inquiétante renaissance du phénomène. Les plus grandes puissances militaires ou financières du globe n'hésitent plus à déléguer l'exécution de leurs opérations à des néo-mercenaires «high-tech », et cela avec d'autant plus de facilité que la réalité du mercenariat demeure méconnue et sous-estimée. Les polémologues ont eu tendance à négliger sa genèse, ses célébrités, ses hauts faits et ses basses oeuvres tandis que les historiens, trop souvent condescendants, ne se sont attachés qu'aux sagas les plus pittoresques. Pourtant, le mercenariat n'est pas un épiphénomène militaire. C'est un vecteur polémogène fort dont il faut tenir compte pour appréhender les grandes lignes de la conflictualité contemporaine. La fameuse «révolution dans les affaires militaires» ne se limite pas à la seule guerre de l'information. Les conflits à venir opposeront de moins en moins des Etats-nations mais feront intervenir, comme le pressent François-Bernard Huyghe, «des guérillas, des mafias, des terroristes, des fondamentalistes, des puissances financières, des ONG» : autant de strates auxquelles s'oppose ou avec lesquelles compose la nébuleuse mercenaire.
Lever des troupes

Au fil des siècles et des guerres, les mercenaires ont toujours fait partie du décor. Les princes guerriers du Vieux Monde disposaient de contingents hollandais, français, italiens, espagnols ou portugais. Même les cantons helvétiques ont monnayé aux grands d'Europe - des papes aux souverains français - des contingents de combattants ; il faudra attendre 1848 pour que la Constitution helvétique interdise le renouvellement des contrats, à l'exception de ceux des gardes suisses du Vatican. Pour l'anecdote, rappelons que la garde royale espagnole qui a défilé le 14 juillet 2001 à Paris est l'héritière des troupes de mercenaires allemands, français et italiens - le Grupo - qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, assuraient la sécurité des rois d'Espagne.
L'introduction de la conscription et la constitution d'armées nationales n'ont pas mis un terme à ce commerce guerrier. Il est toujours resté des hommes prêts à mettre leurs lames à la disposition de princes ou de pays étrangers ; et il est toujours resté des Etats pour recourir à leurs services. Quant aux grandes nations impérialistes, elles ont levé des troupes indigènes (Sikhs et Gurkhas pour les Britanniques, Marocains et Sénégalais pour les Français) auxquelles on peut aisément accorder le statut de mercenaires.
Le nombre de soldats ainsi recrutés a cependant chuté. Aux milliers de mercenaires européens des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ont succédé des bataillons moins étoffés, avec l'entrée en vigueur de la conscription obligatoire dans les Etats-nations. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les mercenaires n'opèrent …