HONG KONG EN LIBERTE SURVEILLEE
Quatre ans et demi après le départ du dernier gouverneur britannique sur le yacht royal en compagnie du prince Charles, le monde a quelque peu oublié Hong Kong. Peut-être parce qu'aucune des hypothèses émises par la plupart des « commentateurs autorisés» ne s'est réalisée : ni l'apocalypse prédite par les Cassandre que la vue des troupes de l'Armée populaire de libération franchissant la rivière Shenzhen suffisait à rendre hystériques, ni le miracle annoncé par les thuriféraires de Pékin obsédés par le-marché-d'un-milliard-de-consommateurs. En fait, depuis que ce «rocher stérile» a été annexé à la Couronne contre la volonté de la reine Victoria en 1841, Hong Kong n'a jamais cessé de contredire le sens commun.
Un faisceau de paradoxes
La colonie a toujours abrité une immense majorité de Chinois (98 % de la population). Mais, curieusement, en 146 ans d'existence, elle n'a jamais connu le moindre mouvement anticolonialiste. Et ce n'est pas faute d'élites puisque le niveau d'éducation de la population y a toujours été le plus élevé de Chine, voire d'Asie (après le Japon). Hong Kong a accueilli tous les révolutionnaires chinois du XXe siècle, pourtant tous de fervents anti-impérialistes et a joué un rôle de laboratoire de réflexion sur l'avenir de la Chine. Pourtant, à l'époque où, dans l'ensemble des colonies, les mouvements de libération nationale atteignaient leur apogée, à Hong Kong on n'enregistrait que fort peu d'agitation. Mieux : les citoyens les plus militants dénonçaient l'oppression régnant en République populaire ! Et lorsque, en 1979, Londres et Pékin ouvrirent les négociations sur le retour du territoire à la Chine, les activistes les plus critiques à l'égard du gouvernement colonial devinrent les plus ardents défenseurs du maintien de l'administration britannique .
Autre paradoxe : c'est le dernier gouverneur anglais, par ailleurs ancien président du Parti conservateur, qui accéléra le rythme de la démocratisation du territoire alors que la République populaire de Chine, qui affirme pourtant représenter la population locale, s'y opposa par tous les moyens.
L'absence de mouvement de libération nationale s'explique aussi par le fait que Hong Kong a toujours été considérée par ses habitants (et aussi, depuis 1945, par ses maîtres coloniaux) comme appartenant à la Chine et devant lui revenir. Mais, curieusement, la première mesure exigée par la République populaire dans l'année qui a suivi son entrée à l'ONU a consisté à retirer Hong Kong et Macao de la liste des territoires à décoloniser. Venant d'un pays dont toute la politique extérieure visait à mettre en oeuvre la lutte anti-impérialiste et anti-colonialiste, une telle initiative a de quoi étonner !
Enfin, contrairement à la vulgate qui veut que le système colonial aboutisse à l'exploitation des «indigènes» , les Chinois de Hong Kong ont vu leur niveau de vie se hisser au deuxième rang d'Asie à la fin du XXe siècle, avec un revenu par tête supérieur à celui de la métropole. Ce port franc, refuge pour les victimes de toutes les calamités naturelles et politiques qui ont frappé la Chine depuis 150 …
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