Les Grands de ce monde s'expriment dans

WASHINGTON ET LE MONDE ARABE

« Ne marchez pas le long d'un cimetière et vous ne ferez pas de cauchemars » disent les Arabes. De fait, les spéculations sur l'avenir des relations américano-arabes ne sont guère rassurantes. Ces dernières sont complexes, et le monde arabe est trop divers pour se prêter aux stéréotypes. Ce qui, en tout cas, semble évident, c'est que les Etats-Unis, puissance par excellence attachée au statu quo, doivent s'attendre à rencontrer de sérieuses difficultés dans un Moyen-Orient appelé à traverser de fortes turbulences ...
Les prémices de la présence américaine

On oublie trop souvent que la forte présence des Etats-Unis au Moyen-Orient est relativement récente. Elle n'a commencé qu'après la Seconde Guerre mondiale, lorsque sont apparus les deux principaux intérêts américains dans la région : l'Etat d'Israël et la dépendance envers le pétrole du Moyen-Orient. C'est seulement lors de son quatrième mandat, en février 1945, que Franklin Delano Roosevelt a rencontré le roi Ibn Saoud à bord d'un navire de guerre, en rentrant de la conférence de Yalta. L'Amérique ne s'était pas préoccupée des questions juives pendant la guerre, en dépit des informations de ses services de renseignement indiquant que des exterminations de masse étaient commises dans les camps de concentration nazis et sur le front oriental. Dès l'instant où la dépendance pétrolière et le nationalisme sioniste sont devenus des réalités, ils donnèrent lieu à un très délicat numéro d'équilibriste. George C. Marshall, secrétaire d'Etat en 1948, n'a cessé de marteler que la reconnaissance du nouvel Etat d'Israël menacerait les intérêts stratégiques et pétroliers américains dans le golfe Persique. Ce sont les conseillers politiques de Truman, sensibles au sort des juifs dans l'Europe nazie, et l'influence croissante de la communauté juive américaine qui convainquirent un président politiquement vulnérable que le risque valait la peine d'être couru. Après la création de l'Etat hébreu, en mai 1948, les Etats-Unis menèrent une politique prudente, refusant de fournir des équipements militaires à Israël. En 1956, lors de la malheureuse campagne de Suez, ils exercèrent une pression considérable pour contraindre les forces israéliennes à se retirer du territoire égyptien. Pendant ce temps, Washington aidait l'ARAMCO, la compagnie nationale saoudienne, à mettre en valeur les ressources pétrolières du royaume, tandis que les forces américaines acquéraient progressivement des droits d'accès aux aérodromes et aux autres installations du pays.
N'ayant pas à porter le fardeau d'une relation impériale ou coloniale, les Etats-Unis purent aborder le Moyen-Orient à travers un prisme strictement stratégique et agir sur la base de ce qu'ils percevaient comme leurs intérêts, dans une région où les attitudes locales leur étaient, au départ, favorables. En réagissant brutalement contre l'aventure de Suez, les Etats-Unis mirent fin aux dernières prétentions impériales de la France et de la Grande-Bretagne. Cependant, lorsque cette posture d'olympienne neutralité ne permettait pas d'endiguer l'influence soviétique, Washington lui préférait un style de riposte plus direct. C'est ce qui s'est passé lors de la première intervention américaine au Liban. En 1958, le président Eisenhower déclara que les Etats-Unis recourraient à la force pour prévenir toute agression …