La mondialisation a instauré de nouvelles règles en matière de relations internationales. Elle consacre la primauté du système économique libéral et du modèle démocratique. Mais cette double évolution, loin d'être le produit d'un consensus global est, avant tout, l'expression d'une pensée occidentale dominante à laquelle nulle région du monde n'échappe. Cependant, sur l'échiquier planétaire, les nations sont plus hétérogènes et inégales que jamais et l'influence des puissances économiques sur les Etats les plus pauvres ne fait que croître.
Dans cette nouvelle donne, l'Afrique apparaît comme un continent économiquement démuni, dépendant et figé. Elle ne représente qu'un pour cent des échanges commerciaux mondiaux et son endettement est supérieur à ses ressources financières. A cette détresse économique s'ajoutent la permanence de conflits armés destructeurs et les ravages dramatiques du sida, qui font de l'Afrique une terre « de chaos et de parias ».
Les dirigeants des pays africains doivent, certes, faire face à leurs responsabilités. Mais on ne peut laisser l'Afrique sombrer solitairement dans le naufrage car, qu'on le veuille ou non, le destin du Continent noir est indissociable de celui du reste du monde.
C'est ce qu'affirme Omar Bongo. Depuis plus de 30 ans, il préside aux destinées du Gabon, ce qui lui vaut la réprobation « politiquement correcte » de certains. Mais ses détracteurs oublient trop souvent de rappeler que le Gabon est l'un des rares pays d'Afrique centrale à n'avoir, depuis son indépendance, jamais connu de conflit armé. Omar Bongo est, par ailleurs, unanimement reconnu comme un faiseur de paix. En octobre 2001, l'ex-président sud-africain Nelson Mandela, arbitre dans la crise politico-ethnique du Burundi, lui a confié la mission de poursuivre les négociations avec les mouvements armés de ce pays. M. Bongo a bien voulu confier aux lecteurs de Politique Internationale ses réflexions sur les enjeux et les défis que doit affronter l'Afrique à l'ère de la mondialisation.
Assane Fall-Diop - Monsieur le Président, le Parti démocratique gabonais vient de remporter une nouvelle fois les élections législatives. Cette formation, qui fut le parti unique jusqu'en 1990, demeure de loin la première du pays. Une alternance politique est-elle envisageable au Gabon et à quelles conditions ?
Omar Bongo - Dans le cadre d'un système pluraliste et ouvert, comme c'est le cas au Gabon, seul l'électorat est maître de l'alternance. Rien n'interdit aux Gabonais de confirmer, aussi longtemps qu'ils le souhaitent, la majorité parlementaire et gouvernementale. Nul n'a jamais trouvé suspecte la longévité d'une Margaret Thatcher à la tête de l'exécutif britannique. En revanche, un pouvoir africain qui jouit pendant des années de la confiance des citoyens est inévitablement l'objet de toutes les suspicions. L'alternance est tout à fait envisageable au Gabon, où les instruments institutionnels adéquats existent. Elle aura lieu dès que les Gabonais feront, en leur âme et conscience, un tel choix.
A. F.-D. - Certains mouvements d'opposition dénoncent les fraudes électorales et la très mauvaise organisation des scrutins. Que leur répondez-vous ?
O. B. - Comme toutes les élections depuis la restauration du pluralisme politique, les dernières législatives se sont déroulées sous le regard d'observateurs nationaux et étrangers. Et elles ont été arbitrées par une commission électorale indépendante. Je ne nie pas qu'il y ait des défaillances logistiques, mais on ne saurait de bonne foi les assimiler à des fraudes. Toutes les missions d'observation ont d'ailleurs conclu à la régularité du dernier scrutin. Pour pouvoir organiser des élections parfaites ne prêtant le flanc à aucun reproche, il faut que tous, partis, élus et citoyens aient atteint un haut degré de culture et de maturité politiques. Je suis le premier à déplorer la faiblesse du taux de participation observé, par endroits, lors du premier tour des législatives. Mais, par rapport à d'autres pays, nous sommes en très bonne position avec un taux global remarquablement élevé, qui avoisine les 50 %. Quant aux partis, tous bords confondus, ils se sont parfois livrés à des surenchères et à des petits calculs qui ont montré que certains persistaient à confondre ambition personnelle et combat politique. Plusieurs mouvements ont appelé à un boycott du scrutin pour des raisons qui n'ont été jugées crédibles ni par les autres partis ni par la commission électorale ni par les observateurs de l'OUA et de l'Organisation de la francophonie. Il est des dirigeants politiques qui considèrent qu'il suffit de jeter l'anathème sur le gouvernement pour avoir raison et pour arriver au pouvoir au nom d'une sacro-sainte loi de l'alternance. Eh bien, je regrette, les choses ne se passent nulle part au monde de la sorte !
A. F.-D. - L'UNICEF a récemment lancé une campagne contre le trafic d'enfants esclaves au Gabon. Comment votre gouvernement soutient-il cette initiative ?
O. B. - L'esclavage, et à plus forte raison s'il concerne les enfants, est une pratique proscrite par la République gabonaise. En Afrique, comme dans une grande partie du monde en développement, la condition de l'enfance pose …
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