La crise dramatique que traverse l’Argentine constitue un véritable cas d’école. D’où la place qu’elle occupe dans la presse internationale et les efforts déployés par tous les observateurs — politologues, sociologues et économistes — pour imposer leur propre explication, même si cet exercice est, bien sûr, déterminé par des idéologies et des intérêts sous-jacents.
Chacun sait que le prétendu «miracle économique argentin», mélange d’ouverture économique tous azimuts, de privatisations, de dérégulation et de convertibilité monétaire fut donné en exemple pendant une bonne moitié des années 90. Le Mexique, le Chili et l’Argentine apparaissaient alors comme les meilleurs disciples latino-américains du «consensus de Washington», cette recette imposée par la galaxie des organismes financiers internationaux (FMI, Banque mondiale, etc.) avec le concours des banques internationales. Le premier de ces pays cessa d’être un bon élève lorsque Salinas de Gortari fut expulsé du paradis des «bons présidents»; le Chili parvint à conserver un certain crédit (même si le monopole d’Etat du cuivre qu’alimente, entre autres, l’achat d’armes par l’armée, survécut au libéralisme régnant); quant à l’économie argentine, elle entra en récession dès 1998. On diagnostiqua alors chez elle une maladie très particulière: elle n’avait pas réussi à conclure son cycle de réformes économiques. C’était une façon élégante de se prémunir face aux problèmes insolubles qui se pressaient à l’horizon. A vrai dire, dans les cercles informés de Washington, bien rares furent ceux qui pressentirent le drame, à la double et notable exception de Paul Krugman et de Joseph Stiglitz.
En Europe, la lecture de la crise actuelle et des maux endurés par l’Argentine depuis quatre ans part d’une autre inspiration. Dès le début de la mise en application de la convertibilité, quelques économistes, essentiellement français, affirmèrent que la parité entre le peso et le dollar n’était pas viable. A présent, à la lumière du désastre, ils peuvent vivre en paix: leur prophétie s’est réalisée! Le front anti-mondialisation partage le même état d’esprit, avec d’autres arguments. Enfin, comme c’est le communiqué du Fonds monétaire international du 18 décembre qui déclencha la chute du gouvernement De La Rúa en soulignant son manque d’appuis extérieurs, nombre d’analystes soutiennent que le gouvernement américain se trouve derrière ce lâchage. Une telle appréciation est, certes, sous-tendue par un certain anti-américanisme à l’œuvre en Europe. Mais force est de constater le faible intérêt stratégique du «pion» argentin après le 11 septembre. Il fallait méconnaître la Maison-Blanche, s’exagérer l’importance de ce pion ou bien croire aveuglément en une alliance Washington/Buenos Aires pour ne pas voir de quelle manière évoluaient les préoccupations américaines au moment où le chaos s’emparait de ce grand pays sud-américain. Le «pilote automatique» n’a tout simplement pas fonctionné comme il aurait dû, l’Argentine n’étant ni le Mexique ni la Turquie ni le Pakistan.
Le meilleur élève de la classe latino-américaine
Pendant une partie de la décennie écoulée, l’Argentine fit figure de meilleur élève. Chaque année, ses dirigeants étaient applaudis à Davos et les spécialistes de l’évaluation des risques leur accordaient résolument leur confiance, à l’instar des cabinets d’audit …
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