Cinq ans après le début de la cohabitation, quel jugement porter sur la politique extérieure de la France et sur son influence réelle face aux super-grands ? Notre action diplomatique, tout au long de ces cinq années, a-t-elle été cohérente et créative ? Dans l'affirmative, ne serait-ce point, au moins en partie, grâce aux vertus d'un ministre des Affaires étrangères dont partisans comme adversaires louent volontiers le professionnalisme et la « touche » très personnelle ? Autre façon de poser la même question : le « védrinisme » (1) existe-t-il ?
Ce Numéro de printemps s'attache également — comment s'en étonner ? — aux grands dossiers de l'actualité. Qu'il s'agisse de la poursuite de la lutte engagée par George Bush contre l'« axe du Mal » ; du rôle controversé de la CIA dans le combat anti-terroriste ; de l'émergence, elle aussi controversée, d'un véritable « fascisme islamiste » ; de l'avenir du régime afghan ; des affrontements israélo-palestiniens ; de la dramatique crise argentine qui plonge tout un peuple dans la détresse ; ou de telles ou telles turbulences africaines, notamment la curieuse « révolution » à Madagascar… il n'est pas de sujet brûlant, on en conviendra, qui ait échappé à l'intérêt de notre Rédaction.
Pour décrypter cette réalité multiforme, nous avons, comme à l'accoutumée, fait appel à ceux qui commentent l'événement et à ceux qui le font, aux experts et aux acteurs. Acuité de l'analyse, prestige des signatures : nos lecteurs apprécieront, je crois, ce cocktail décapant…
Il reste que, loin de Buenos Aires, de Kaboul ou de Ramallah, sur le sol même de notre Vieux Continent, quelques interrogations continuent de susciter la perplexité. Celles-ci, par exemple : est-il vrai que le couple franco-allemand est en passe de perdre son statut de « locomotive » de la construction de l'Europe ? Est-il vrai que les difficultés éprouvées par la Serbie à entrer dans l'ère post-Milosevic risquent de différer son intégration dans la famille européenne ? Est-il vrai que l'arrivée de GI's dans cette traditionnelle zone d'influence russe qu'est la Géorgie répond, parmi d'autres raisons, à la volonté de Washington d'utiliser les aérodromes militaires géorgiens dans le cadre de frappes planifiées contre l'Irak ? Est-il vrai, enfin, comme l'affirment certaines autorités morales incontestables, que Vladimir Poutine, sous couvert d'une politique relativement conciliante envers l'Occident, reprend systématiquement en main toutes les sources d'expression libre en Russie et éloigne ainsi son pays, irréversiblement, du camp des démocraties ?
A toutes ces questions qui conditionnent notre avenir, et à bien d'autres, on trouvera ici des réponses éclairantes.
Tel est, en peu de mots, le « menu » de ce trimestre. « Il est évident que le discours long et le discours bref aboutissent toujours au même résultat », se plaisait à rappeler Épicure, qui était peu disert. Me pardonnera-t-on d'avoir suivi cet auguste exemple en optant, à mon tour, pour la brièveté ?
A toutes et à tous : bonne lecture.
(1) Ce terme, à l'origine, a été forgé par Thierry de Beaucé dans le remarquable article qu'il a rédigé pour notre Revue il y a quatre ans (Politique Internationale, No 80).