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REINVENTER L'ARGENTINE

La crise argentine de décembre 2001 est apparue, dès son déclenchement, comme un événement très significatif des dérèglements actuels de l'économie globalisée. On a beaucoup insisté sur les problèmes structurels de l'économie du pays, mais aussi sur les failles du système financier international. Ainsi, le prix Nobel d'économie 2001, Joseph Stiglitz, estimait dès le mois de janvier que l'on pouvait tirer sept leçons de la crise, la principale étant la nécessité d'une profonde réforme du FMI (1).
Pour autant, il a semblé non moins évident que, s'agissant d'un pays disposant de tels atouts naturels et humains, les explications d'un séisme de cette ampleur devaient être recherchées dans l'organisation même de l'État et dans les éléments constitutifs de la nation. En d'autres termes, la crise argentine devait être vue, avant tout, comme une crise politique.
Un pays dans la tourmente
Les événements argentins offrent d'autant plus d'obstacles à l'analyse qu'ils recèlent plusieurs paradoxes. Le premier d'entre eux, c'est que les institutions se sont révélées assez solides, en dépit d'une très forte dé-légitimation du système politique.
Des partis discrédités
Les élections législatives du 14 octobre 2001 ont été le signe avant-coureur de la crise politique de décembre. Elles ont montré que les Argentins ne délaissaient pas la chose publique puisque la participation a dépassé les 70 %. Et le fait que le vote soit obligatoire en Argentine ne change rien à l'affaire, dans la mesure où cette obligation est surtout formelle. En revanche, les électeurs ont utilisé leur bulletin de vote pour manifester leur rejet des partis établis. Le vote de protestation (el « voto bronca »), c'est-à-dire les suffrages blancs et nuls, a été massif. Il a atteint, pour ce qui concerne l'élection des députés, plus de 21 % (12,9 % de bulletins nuls et 8,2 % de bulletins blancs). En conséquence, tous les partis ont vu rétrécir substantiellement leur base électorale. Le parti justicialiste (péroniste), parce qu'il était alors dans l'opposition, a pu minimiser ses pertes et apparaître comme le vainqueur relatif du scrutin. Mais il n'a même pas retrouvé ses résultats de 1999, pourtant année de défaite électorale Quant à la coalition au pouvoir (radicaux de l'Union civique radicale et divers groupes de gauche rassemblés dans le FREPASO ou Front pour un pays solidaire), elle a fait figure de grande vaincue. Elle est en effet devenue minoritaire, non seulement dans les différentes provinces du pays, mais aussi au Parlement. Elle est passée de 8 millions à 3 250 000 suffrages entre 1999 et 2001 (2).
Ces résultats, éminemment prévisibles, n'ont aucunement été pris en compte par le gouvernement. Depuis un an, l'impact de la crise économique était pourtant patent. Le montant de la dette extérieure (près de 140 milliards de dollars) en était sans doute l'élément le plus visible, mais sa traduction sociale était plus inquiétante encore, le chômage frappant plus d'un quart de la population.
Peu avant l'été 2001, le président radical Fernando De la Rua rappela Domingo Cavallo au ministère des Finances. C'était sa dernière carte pour …