Sophie Bessis - Depuis l'arrivée d'Ariel Sharon à la tête du gouvernement israélien, le processus de paix n'est plus à l'ordre du jour. On a beaucoup reproché aux Palestiniens d'avoir rejeté les propositions israéliennes de Camp David. Pourquoi n'ont-ils pas saisi cette chance ?
Nabil Chaath - La conférence palestino-israélienne, qui s'est tenue à Camp David en juillet 2000 sous les auspices des États-Unis, doit être replacée dans son contexte. Elle a eu lieu un an environ après l'élection de Yehoud Barak — qui a succédé à trois ans et demi de gouvernement Nétanyahou — et à la fin du second mandat du président Clinton. Bill Clinton avait eu le temps de bien connaître le dossier. Il en avait étudié tous les éléments et était prêt à s'engager à fond pour contribuer à l'avènement de la paix. Entre 1996 et 2000, nous l'avons rencontré treize fois à la Maison-Blanche, une fois à Davos, une fois aux Nations unies et une autre à Oslo, sans compter son voyage en Palestine. Si l'on ajoute à cela la réunion de Wye River qui a duré dix jours, et celle de Camp David qui s'est prolongée quinze jours, on peut dire qu'aucun président américain ne s'est autant impliqué, auprès des Palestiniens comme des Israéliens
S. B. - Certes, mais comment expliquez-vous l'échec des pourparlers ?
N. C. - Le président Clinton a perdu une grande partie des quatre années de son second mandat à gérer la transition entre le départ de M. Nétanyahou et l'arrivée de M. Barak. Au mois de juillet 2000, il ne lui restait plus que trois mois de présidence à accomplir, cinq si l'on compte les deux mois post-électoraux jusqu'à l'entrée en fonctions du nouvel élu. Il était donc pressé de parvenir à un accord. M. Barak aussi. La première année de gouvernement du premier ministre israélien, dont une bonne partie a servi à former laborieusement la large coalition qui l'a soutenu, s'était soldée par des résultats médiocres sur le front du processus de paix. Pendant cette période, il a refusé toute espèce d'arrangement intérimaire et affirmé sa volonté d'aboutir directement à un accord final. Mais en développant la colonisation dans les territoires palestiniens bien au-delà de ce qu'avait fait Benyamin Nétanyahou en plus de trois ans de pouvoir — c'est-à-dire en aggravant l'occupation au lieu de s'orienter vers la restitution des terres en échange de la paix —, il avait perdu une large part de sa crédibilité auprès des Palestiniens. C'est donc un Yehoud Barak peu apprécié de ses interlocuteurs palestiniens qui est venu à Camp David. Son comportement n'a pas arrangé les choses : il voulait négocier seul et réclamait « un sommet ou rien ». Il entendait, en outre, que ses propositions fussent acceptées ou refusées en bloc, mais non négociées. Il considérait, en effet, qu'il allait payer un prix politique élevé pour la restitution des territoires palestiniens, quelle que soit la superficie sur laquelle porterait l'accord. Il ne lui fallait donc surtout pas abattre ses cartes …
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