Amir Taheri - Le plus grand chantier du gouvernement intérimaire est la mise en place de la Loya Jirga qui devrait, en principe, commencer ses travaux d'ici à la fin du mois de juin. A quel stade en êtes-vous ?
Hamid Karzaï - Officiellement, le processus a été lancé le 7 février lorsque le comité d'organisation s'est réuni pour la première fois, mais nous nous étions mis au travail dès la formation de ce gouvernement. C'est la preuve que les Afghans peuvent et veulent construire leur avenir ensemble. Le comité est en train de définir les règles qui présideront à la nomination des membres de la Loya Jirga. L'essentiel est d'assurer à cette assemblée une représentativité aussi large que possible. Elle doit être la pleine expression de la volonté du peuple afghan dans toute la richesse de sa diversité. Les considérations partisanes, factionnelles, ethniques et tribales doivent être mises de côté et seul l'intérêt national doit prévaloir. Les nombreux déplacements que j'ai effectués en province m'ont montré qu'il existait un large consensus sur cette question (1).
A. T. - La Loya Jirga comprendra-t-elle des femmes ?
H. K. - Certainement. Ce principe a été posé lors de la conférence de Bonn. Nous avons déjà des ministres femmes au sein du gouvernement intérimaire. Il appartiendra au comité d'organisation de déterminer le mode de sélection des membres féminins de la Loya Jirga ainsi que leur nombre.
A. T. - La conférence de Tokyo a promis des milliards de dollars d'aide à votre pays. Avez-vous déjà reçu cet argent ? Êtes-vous désormais en mesure de payer les fonctionnaires ?
H. K. - Les promesses d'aide concernent des projets de reconstruction et de développement. Or, jusqu'à présent, nous n'avons pas eu le temps de faire des propositions concrètes. Cela ne fait que quelques mois que nous sommes aux affaires et la guerre n'est pas terminée : on se bat encore dans certaines zones du pays. Les États-Unis nous ont apporté une première bouffée d'oxygène en supprimant le gel des avoirs afghans décidé dans les derniers mois du pouvoir taliban. Grâce à cette mesure, nous avons pu payer les employés du gouvernement et fournir une aide d'urgence aux régions les plus touchées par les combats et la famine (2).
A. T. - Le principe d'une force de stabilisation internationale a été retenu à Bonn, pour aider l'Afghanistan à traverser cette délicate période de transition. Combien d'hommes seront déployés, de combien de pays, et pour combien de temps ? Le chiffre de 20 000 soldats est-il exact ? Les États-Unis ont-ils commencé à verser les 350 millions de dollars promis pour financer l'entraînement et le soutien logistique d'une future armée afghane ?
H. K. - Il s'agit de deux questions distinctes. En ce qui concerne la force de stabilisation, je ne peux pas vous dire si elle restera des semaines, des mois ou des années. Ce n'est pas le calendrier qui compte, mais les résultats : les troupes resteront sur place aussi longtemps qu'il le faudra …
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