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CHINE: LES ZONES GRISES DE LA LIBERTE

Le pouvoir communiste n'a pas l'intention de relâcher la censure en Chine. Il promulgue fréquemment des interdictions à l'encontre de la liberté d'expression et ne cesse de procéder à des purges, voire à des fermetures autoritaires, dans le secteur des médias. Pour preuve, le 25 février dernier, deux sites Internet célèbres, à tendance libérale, «Bumei zhi ye» (Nuit blanche) et «Dijin minzhu» (La Démocratie par étapes), ont dû cesser toute activité. Plus récemment, le 21 mars, l'hebdomadaire Nanfang zhoumo (Week-end Sud) a, une fois de plus, reçu l'ordre de supprimer un reportage qui révélait l'ampleur du scandale du programme Hope. Le journal a été contraint d'envoyer au pilon les 300000 exemplaires qu'il avait déjà imprimés.
Pour autant, la Chine d'aujourd'hui ne ressemble plus guère à celle de l'époque de Mao Zedong. Des intellectuels indépendants parviennent à agir jusqu'à la limite de ce qui est toléré par les autorités, et les médias (relativement) progressistes osent s'aventurer dans certaines zones interdites. Ces deux réalités témoignent, a contrario, des changements survenus dans les méthodes de censure auxquelles recourt habituellement le pouvoir, mais aussi de son inefficacité croissante face aux évolutions de la société chinoise.
En premier lieu, l'ouverture réformiste engagée dans le pays depuis plus de vingt ans a conduit les communistes à prendre quelque liberté avec l'idéologie orthodoxe. Les phrases pompeuses du type «Que la lutte des classes soit l'axe de nos actions!» ont cédé la place à un discours pragmatique sur le développement économique et au slogan «Prospérez et enrichissez-vous!». De la même manière, la théorie de l'avant-garde du prolétariat a été remplacée par celle des «trois représentations». Le marché et le capital sont devenus les moteurs de la réforme. Le pouvoir politique est, dès lors, obligé d'asseoir sa légitimité sur les résultats économiques obtenus.
Par ailleurs, l'économie chinoise est de plus en plus imbriquée dans l'économie mondiale et, par voie de conséquence, de plus en plus tributaire des financements, du marché et des techniques des pays développés. Dans un tel contexte, le pouvoir ne peut plus ignorer les critiques répétées de l'Occident — et d'abord celles émanant des Etats-Unis — qui se focalisent sur la situation déplorable en matière de droits de l'homme et sur le retard accumulé dans la mise en oeuvre des réformes politiques. Il est donc contraint de jouer un jeu diplomatique de plus en plus subtil: tout en continuant d'arrêter et de relâcher, alternativement, ses dissidents, il négocie son soutien politique sur la scène internationale en échange d'avantages économiques. Mais pour contourner les normes communément admises en la matière, il se voit obligé de forger son propre langage des droits de l'homme.
En définitive, l'effondrement de l'idéologie traditionnelle et la perte brutale de légitimité morale du pouvoir communiste ont amoindri une force répressive beaucoup moins sûre de son bon droit. La censure ne peut plus s'exercer avec la même férocité qu'à l'époque de Mao Zedong.
Cette faiblesse morale a obligé le pouvoir communiste à recourir à des arguments nouveaux — plus sophistiqués — pour réprimer la …