Ce Numéro d'Été s'ouvre sur une question iconoclaste : les régimes arabes peuvent-ils se démocratiser ? Mais, plus encore que la question, c'est l'identité de ceux qui la posent que l'on jugera hors normes. Sur ce thème brûlant, nos lecteurs découvriront, en effet, les analyses libres et anticonformistes de deux personnalités éminentes de la « famille arabe : le Prince Moulay Hicham, enfant terrible du royaume marocain, cousin de Mohammed VI, no 2 dans l'ordre de succession au trône ; et le Prince Talal, demi-frère de l'actuel souverain saoudien. L'un et l'autre tiennent sur leur propre pays et sur l'aire arabo-musulmane des propos d'une lucidité, d'une franchise et d'une finesse très exceptionnelles.
Nul doute que ces contributions susciteront des ripostes passionnées…
Un tel débat n'a, bien évidemment, rien de théorique. Ne serait-ce que parce que l'un de ses enjeux essentiels est la paix au Proche-Orient et la stabilité dans l'ensemble du monde arabe. Quelle est l'issue la plus probable à l'interminable affrontement israélo-palestinien ? Si État palestinien il doit y avoir, à quelles conditions politiques, économiques et sécuritaires peut-il être créé ? Que deviendraient, dans ce cas de figure, les relations entre l'État hébreu et ses voisins ? Le régime irakien — placé par George Bush sur l'« axe du Mal — constitue-t-il réellement un obstacle à éliminer toutes affaires cessantes ? Une opération américaine de déstabilisation de Saddam Hussein est-elle souhaitable ? Dans l'affirmative, les États-Unis pourraient-ils la conduire sans avoir préalablement donné des gages aux opinions et aux gouvernements arabes — entendez : sans avoir préalablement pacifié les relations entre Israéliens et Palestiniens ? D'une façon plus générale, à quel prix le Président Bush pourrait-il, avant une intervention de grande envergure contre Bagdad, gagner le soutien de ses alliés traditionnels ?
Pour décrypter ces mystères, nous avons, comme à l'accoutumée, fait appel à ceux qui commentent l'événement et à ceux qui le « font , aux meilleurs experts et aux acteurs du drame.
L'actualité, ce trimestre, se déploie aussi sur le Vieux Continent. Avec deux points forts : l'Allemagne et l'Italie.
• L'Allemagne, où les élections législatives du mois de septembre opposeront le social-démocrate Gerhard Schröder au Président de la CSU bavaroise, Edmund Stoiber. Le très sérieux et compétent Stoiber parviendra-t-il à triompher du charismatique Chancelier fédéral ?
• L'Italie, où l'indomptable Silvio Berlusconi poursuit obstinément sa politique libérale en inscrivant dans les faits ses promesses électorales — et cela, en dépit des oppositions de tous ordres. Monsieur Berlusconi gagnera-t-il, finalement, son pari ?
S'il est vrai qu'une partie du destin de l'Europe se joue à Berlin et à Rome, nos lecteurs apprécieront, je crois, les voix éminentes qui commentent, dans nos pages, l'évolution de ces deux grands pays.
L'actualité, c'est également la Chine. Une Chine dont le XVIe Congrès du Parti communiste, cet automne, redistribuera les premiers rôles et modèlera les orientations politiques. Une Chine dont le vice-ministre du Travail a reconnu récemment qu'elle allait être confrontée à la situation « la plus grave de son histoire en matière de chômage. Une Chine qui accroît son potentiel militaire, inquiète ses voisins et ne compte plus que sur le nationalisme pour légitimer l'un des derniers régimes communistes de la planète.
A ce géant complexe, nous consacrerons, dans notre Numéro d'octobre, un substantiel dossier coordonné par notre amie Marie Holzman. Mais notre Rédaction a souhaité, en guise de prélude à ce dossier, faire paraître dès à présent une « photographie des droits de l'homme en Chine vus par deux des principaux dissidents chinois. L'un incarne la dissidence interne. L'autre vit aux États-Unis. Tous deux — est-il besoin de le préciser ? — honorent la liberté.
Ce tour d'horizon serait incomplet sans un coup de projecteur sur le monde en développement et, notamment, sur l'Afrique. A cet égard, qui mieux que Michel Camdessus — ex-directeur général du FMI— eût pu formuler des propositions originales et audacieuses pour sortir de la détresse ce continent si attachant ?
Par la variété de ses préoccupations et de ses points de vue, ce Numéro d'Été — on le voit — donne raison à Hippolyte Taine, qui écrivait : « N'ayez d'intolérance que vis-à-vis de l'intolérance …
A toutes et à tous : bonne lecture.