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QUATRE ANS QUI ONT CHANGE L'ALLEMAGNE ...

Jean-Paul Picaper - Monsieur le Ministre, qu'est-ce qui a changé en Allemagne au cours des quatre ans de mandat de Gerhard Schröder ?
Julian Nida-Rümelin - L'Allemagne a connu de très grands bouleversements à la fin des années 80 et au début des années 90, au lendemain de la réunification. Puis, plus rien. Le pays semblait s'être figé, sans aucune perspective d'avenir. Malgré toutes les critiques dont il a pu faire l'objet - et qui sont en partie justifiées - le gouvernement de Gerhard Schröder a réussi à dégeler la société allemande. Pour commencer, nous nous sommes attaqués au problème de la dette publique. Nous n'avions pas le droit de léguer aux générations futures une montagne de dettes qui ne cessait de croître. L'objectif du gouvernement est désormais de parvenir à un budget équilibré, avec un déficit égal à zéro en 2004 .
J.-P. P. - Une telle politique n'a pas manqué de surprendre de la part des sociaux-démocrates...

J. N.-R. - On n'attendait pas cela de nous, c'est vrai. Mais la réduction de la dette n'est que l'un des volets de notre action. Nous avons pris bien d'autres mesures, que certains considèrent sans doute comme marginales mais qui sont essentielles, à mes yeux. Par exemple, la réforme du Code de la nationalité. Dorénavant, l'appartenance à la nation allemande ne dépend plus de critères ethniques. Elle résulte d'une démarche volontaire. Nous avons, il est vrai, conservé une certaine dose de " droit du sang ", puisque nous reconnaissons toujours le statut de citoyens allemands aux rapatriés d'Europe de l'Est d'origine allemande. Mais nous nous sommes rapprochés du modèle français du " droit du sol ", qui est aussi celui qui domine chez la plupart de nos voisins européens . Cette mesure a eu des répercussions très importantes sur le climat culturel de notre pays. Et ce n'est qu'un cas parmi bien d'autres. Nous avons également autorisé l'union de partenaires homosexuels en nous inspirant du PACS français. C'est une preuve supplémentaire du tournant décisif que le gouvernement de Gerhard Schröder a su imprimer à la société allemande.
J.-P. P. - Votre formule rappelle celle qu'employait durant les années 80 l'un des conseillers du chancelier Kohl, Wolfgang Bergsdorf. Il voulait faire prendre à l'Allemagne un " tournant intellectuel et moral ". Diriez-vous que le gouvernement dont vous faites partie a atteint cet objectif ?

J. N.-R. - C'est un fait : depuis le départ du gouvernement Kohl, l'ambiance a changé dans notre pays. Ce qui a changé, surtout, c'est qu'on y admet la diversité des formes de vie. Nous discutons aujourd'hui d'une nouvelle politique familiale, tournée vers l'avenir. Notre thèse est qu'il y a une famille partout où il y a des enfants. C'est-à-dire que nous nous éloignons du soutien exclusif aux couples mariés pour aider tous ceux qui élèvent des enfants, sans discrimination.
J.-P. P. - Vous prévoyez d'augmenter le nombre de crèches pour faciliter l'accès des femmes au marché du travail. Mais, dans ces conditions, les enfants ne risquent-ils pas …