Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'espoir de la gauche italienne

Richard Heuzé — Vous avez dirigé la CGIL pendant huit ans. En quoi cette Confédération a-t-elle changé sous votre mandat ?
Sergio Cofferati — Le nombre des adhérents est en croissance régulière, à la fois parmi les actifs et parmi les retraités. Je constate aussi un rajeunissement général des effectifs, tant au sein des instances dirigeantes que dans les manifestations de rue. Il s'agit de jeunes entrés depuis peu dans le monde du travail et qui commencent à peine leur activité syndicale. La Confédération consent également un effort important en direction du personnel intérimaire et précaire, dont les besoins restent difficiles à appréhender. L'employé ou l'ouvrier d'une grande entreprise a les mêmes intérêts que des dizaines, voire des centaines d'autres travailleurs. Ces collaborateurs occasionnels, eux, sont dispersés sur le territoire. Souvent, même, ils travaillent à domicile. Malgré ces obstacles, c'est, je crois, la mission d'une grande centrale que de se faire l'interprète de ces oubliés.


R. H. - Le monde syndical européen est globalement confronté à une érosion du nombre de ses adhérents qui va de pair avec la réduction des effectifs de la grande industrie. Ce phénomène est-il, selon vous, inéluctable ?
S. C. - Je peux répondre pour ce qui concerne la CGIL. Je vous l'ai dit, le nombre d'adhérents augmente. Depuis quatre ans, nous recommençons à recruter sur les lieux de production. La CGIL compte aujourd'hui cinq millions et demi d'inscrits, soit un Italien sur dix. Trente pour cent ont moins de 30 ans et plus de la moitié sont des femmes. Vous voyez qu'on ne peut pas parler de crise de recrutement. Au contraire.


R. H. - En Grande-Bretagne, le parti travailliste est l'émanation directe des syndicats. Pensez-vous qu'une centrale comme la CGIL devrait jouer un rôle politique ?
S. C. - Le mouvement syndical italien a une histoire différente. Les premières « Camere del lavoro » (« Chambres du travail », ancêtres des syndicats) ont vu le jour en 1891. Leurs statuts, dès l'origine, ont opéré une nette distinction entre représentation syndicale et activité politique. Au début du XXe siècle, les dirigeants de la première Confédération générale du travail (la CGdL) ont longuement débattu pour savoir s'il fallait transformer le mouvement syndical en un parti politique représentant le monde du travail. Ils ont finalement estimé que ce n'était pas opportun. Un siècle plus tard, cette décision me semble toujours aussi sage. Les syndicats sont une chose. Les partis en sont une autre. La force des uns doit s'appuyer sur la force des autres. Mais, inversement, je ne pense pas qu'un syndicat puisse rester longtemps puissant dans un environnement politique affaibli.


R. H. - L'opposition politique au gouvernement de Silvio Berlusconi joue-t-elle pleinement son rôle ?
S. C. - Elle dispose, en tout cas, de tous les instruments nécessaires pour remplir sa fonction d'opposition parlementaire. Quant aux formes que cette opposition doit revêtir, c'est à ses dirigeants d'en décider.


R. H. - Malgré vos dénégations, certains persistent à voir en vous le futur leader de l'opposition. …