Les Grands de ce monde s'expriment dans

NORD-SUD: LE NOUVEAU PARTENARIAT

Yves Messarovitch - Au lendemain des événements du 11 septembre, la communauté internationale s'est interrogée sur l'existence d'un lien éventuel entre pauvreté et terrorisme. Cette réflexion s'est poursuivie lors du sommet de Monterrey à la préparation duquel vous avez été étroitement associé. Quelle est votre position à ce sujet ?

Michel Camdessus - Le lien entre l'extrême misère du monde, la montée de la violence et l'avènement du terrorisme comme menace planétaire est, pour moi, évident. Depuis longtemps. Certes, bien des commentateurs préfèrent ne pas accorder aux agents du terrorisme cette ombre de circonstance atténuante. Ils iront jusqu'à tirer argument du fait que les terroristes identifiés après le 11 septembre n'étaient pas des pauvres, avaient fréquenté des universités, étaient des Saoudiens ... Comment se satisfaire de telles arguties ? Je préfère m'en tenir à une évidence. La pauvreté, les frustrations qu'elle engendre dans un monde où la publicité et les médias mettent partout sous les yeux des plus pauvres le modèle de consommation, fût-ce des classes moyennes des pays avancés, suffit à créer le terreau fertile sur lequel tous les populismes, toutes les violences et jusqu'au terrorisme lui-même peuvent germer. Il nous faut donc réagir. Le consensus de Monterrey a été une première réponse. Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad), par exemple, a marqué, à cet égard, une nouvelle étape fondamentale.
Y. M. - - Dans quelles circonstances le Nepad a-t-il vu le jour ?

M. C. - En fait, c'est au sommet de Gênes, en juillet 2001, que l'idée est née. Bien que leur présence soit passée un peu inaperçue, plusieurs chefs d'Etat africains avaient fait le déplacement: Moubarak, Obasanjo, Wade et Bouteflika. Ils étaient venus dire aux pays du G8: «Après mûre réflexion, nous sommes convaincus que la mondialisation représente plus, pour nous, une chance qu'un danger. Nous avons donc décidé d'appliquer des politiques qui nous mettront en mesure d'en bénéficier - des politiques d'équilibre monétaire, de gestion rigoureuse de nos finances publiques, d'ouverture de nos frontières, de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance. Nous estimons que ces politiques sont celles dont l'Afrique a besoin et, même si vous ne nous aidez pas, nous les mettrons en œuvre par nous-mêmes, car elles sont les seules à pouvoir conduire notre continent sur la voie du progrès.»
Y. M. - - Ces chefs d'Etat s'exprimaient-ils au nom de tous les pays africains ?

M. C. - Absolument. Ils étaient mandatés par la cinquantaine d'Etats de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Les huit représentants des pays occidentaux présents à Gênes ont alors répondu: «Banco!» Dans la foulée, ils ont mis en place une équipe de huit sherpas chargés de préparer une réponse à la proposition des pays africains. La France - par la voix du premier ministre et du président de la République - m'a fait l'honneur de me désigner. Nous avons travaillé pendant une année, avec nos 15 collègues africains, à l'élaboration d'un plan d'action initial du G8, qui a été présenté au sommet de …