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RADIOGRAPHIE DE L'OPPOSITION IRAKIENNE

Si la volonté affichée de l'Administration Bush d'en finir avec le régime de Saddam Hussein se concrétise, le prix à payer risque fort d'être une véritable guerre d'occupation de l'Irak par les États-Unis. Cette hypothèse peut difficilement être exclue. Car, à la différence du précédent afghan qui a conduit à la déroute des Talibans, un appui authentiquement « irakien » capable de peser sur le terrain fait cruellement défaut. Or, ce que l'on entend, depuis la fin de la guerre du Golfe, par « opposition irakienne en exil » constitue un levier bien peu convaincant, tant celle-ci est minée par ses divisions et dépourvue de relais crédibles à l'intérieur. Pis encore : ses principales composantes affichent de plus en plus leurs doutes quant à l'intérêt d'une intervention américaine, quand elles ne se déclarent pas ouvertement hostiles à toute ingérence étrangère... Bref, la seule variable décisive dépend, aujourd'hui comme hier, de l'intérieur.
Cartographie de l'opposition
Nous sommes bien loin de la situation qui prévalait en 1990-1991 et de la Conférence de Beyrouth : à l'époque, les différentes composantes de l'opposition en exil pouvaient encore prétendre à une certaine représentativité des courants de l'intérieur. Dès 1992, l'émergence du Conseil national irakien (CNI) a marqué le passage de cette opposition sous la tutelle américaine. Créée lors de la Conférence de Vienne (juin 1992), cette plate-forme se proposait, en théorie, de fédérer tous les courants de l'opposition, depuis les islamistes basés à Téhéran, à Damas et dans plusieurs capitales d'Europe jusqu'aux nationalistes arabes réfugiés en Syrie, en passant par les deux grands partis kurdes et le Parti communiste irakien (PCI).
En réalité, le CNI est l'œuvre d'un seul homme, Ahmad Chalabi, qui se singularise par un parcours personnel extrêmement atypique au sein des forces historiques de l'opposition irakienne. Non seulement il vient du monde des affaires, mais il ne peut se prévaloir d'aucune activité politique connue antérieure à 1990. La naissance et l'ascension du CNI reflètent, à bien des égards, la paralysie et le sentiment d'impuissance des forces de l'opposition traditionnelle, laminées par trois décennies de dictature et de répression. Pour preuve : leur profonde et constante conviction de ne pouvoir abattre seules le régime, y compris dans un contexte aussi exceptionnellement favorable que celui né de l'écrasante défaite militaire irakienne et du soulèvement massif de la population en 1991 (1).
Très vite, des fissures sont apparues au sein du CNI sous l'effet de querelles internes. Les divergences de vues au sujet de la gestion, les contradictions politiques et idéologiques de ses composantes, les flottements de la Maison-Blanche vis-à-vis du pouvoir irakien et le malaise suscité par l'octroi de subventions américaines ont eu raison de la cohésion de l'ensemble. Peu à peu, les partis et les organisations membres suspendent ou « gèlent » leur participation, quand ils ne s'en retirent pas totalement. Le CNI a ainsi été déserté par les deux principales tendances historiques de l'opposition irakienne : les forces islamistes et les communistes. En août 1996, il subit un revers terrible lorsque plusieurs …