Les Grands de ce monde s'expriment dans

EN FINIR AVEC LE LAOGAÏ ...

Alexandra Leroux — Il semblerait que, depuis quelques années, le régime se soit durci. Que savez-vous de la répression en cours ?
Harry Wu — Le système chinois a toujours oscillé entre des périodes d'ouverture et de fermeture. Lorsque le régime se sent fort, il devient plus tolérant. En revanche, la moindre menace, le moindre début de rébellion provoque un raidissement immédiat. On a constaté ce phénomène lors du Printemps de Pékin en 1978, qui a été réprimé dans le sang, puis avec les manifestations de la Place Tienanmen, en 1989. Actuellement, la Chine traverse plutôt une phase d'assouplissement. Les gens ne sont pas totalement libres mais, en comparaison du passé, ils vivent nettement mieux. Pour vous donner un exemple, il est maintenant possible de voyager à l'intérieur du pays — un luxe impensable il y a encore quelques années. Mais, sur d'autres points, le régime s'est durci : la liberté religieuse est toujours interdite et les persécutions contre les croyants se sont aggravées. La répression touche aussi bien les protestants que les catholiques, les bouddhistes, les taoïstes, les musulmans et les membres du Falungong. Ces derniers ont été placés dans des camps de travail et des centres de détention. Des centaines d'entre eux sont morts sous la torture ou du fait des mauvais traitements. Les minorités ethniques, notamment les Tibétains et les musulmans des régions autonomes, continuent également à être persécutées.


A. L. - Qui récuse le régime ?
H. W. - Tout le monde ! Toute personne qui exige le respect de ses droits fondamentaux entre obligatoirement en conflit avec le régime. La liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté religieuse, la liberté d'association n'existent pas en Chine. La télévision et les médias sont une arme de propagande aux mains du gouvernement. Récemment, les autorités ont créé une « police spéciale Internet » chargée d'exercer sa censure sur le web. Des activistes ont été arrêtés pour avoir fait circuler des articles sur la démocratie et les violations des droits de l'homme. Les internautes chinois ne peuvent surfer ni sur des sites politiques, ni sur les sites d'ONG, de groupes religieux ou de médias occidentaux.


A. L. - A votre connaissance, existe-t-il des réseaux pro-démocratiques qui, dans la clandestinité, essaient de faire évoluer les choses ?
H. W. - Il est, pour le moment, impossible d'organiser ce genre de réseaux en Chine.


A. L. - En 1994, le gouvernement chinois a décidé de débaptiser le « laogaï » et de désigner désormais le système carcéral par le mot « jianyu », qui signifie prison. Pourquoi ?
H. W. - Le Parti communiste chinois a voulu donner l'illusion que le laogaï était un système carcéral comme les autres, simplement destiné à punir et à rééduquer les criminels. Aujourd'hui, en Chine, il est interdit de prononcer le mot laogaï. Mais derrière le changement de dénomination, la réalité reste la même.


A. L. - A l'époque de votre incarcération, sous Mao, le « laogaï » avait un but idéologique. Qu'en …