AFGHANISTAN: GAGNER LA GUERRE, PERDRE LA PAIX ? C'est la dernière plaisanterie en vogue à Kaboul: le chef de l'Etat par intérim, Hamid Karzaï, signe un document et le tend à un homme assis en face de lui: «Voici le décret qui vous nomme ministre de mon gouvernement. Maintenant, c'est à votre tour de signer un papier.» Le nouveau ministre demande: «Que dois-je signer?» Karzaï lui répond: «Votre testament!» Cette blague peut paraître cynique, mais elle reflète le climat d'anxiété qui règne actuellement en Afghanistan. Au cours des six derniers mois, pas moins d'une douzaine de hauts responsables afghans ont été assassinés, dont le vice-président Haji Abdul Qadir, le ministre des Transports Abdul Rahman, et deux gouverneurs de province. Des attentats ont visé l'ancien roi Zaher Shah, le ministre de la Défense Mohammed Qassim Fahim et... Hamid Karzaï lui-même, qui a réchappé de peu à une fusillade le 9 septembre dernier. Dans la plupart des cas, l'entourage du chef de l'Etat a laissé entendre, au moyen de fuites organisées dans la presse américaine, que ces actions avaient été commanditées par des factions membres de la coalition au pouvoir, sans toutefois préciser lesquelles. Hamid Karzaï se méfie tellement de ses alliés qu'il a remplacé ses gardes du corps afghans par un contingent de 46 Marines américains le 22 juillet. Quelques jours plus tard, son gouvernement publiait une série de communiqués informant le public de l'arrestation, à Kaboul, d'un ressortissant étranger lié au réseau terroriste Al Qaïda — un individu qui, a-t-on précisé, se préparait à attaquer le cortège présidentiel à l'aide d'une voiture piégée. Karzaï s'est aussitôt saisi de l'occasion pour demander à Washington d'envisager «un engagement à long terme» en Afghanistan. Revirement spectaculaire Au début, les Américains avaient fait très attention à minimiser leur implication dans le jeu politique afghan. Ils s'étaient donné pour mission de détruire les organisations terroristes, de tuer ou de capturer autant de criminels que possible, d'organiser une forme de gouvernement, et de repartir. Les Britanniques, puis les Turcs, se virent attribuer la responsabilité de conduire une force de sécurité internationale, tandis que les Nations unies prenaient en charge l'«effort de reconstruction nationale». Si ce plan avait été suivi à la lettre, les Etats-Unis auraient dû retirer leurs forces dès la fin du mois de juin. Les groupes terroristes, en effet, avaient été écrasés, même si Oussama Ben Laden — que beaucoup de sources bien informées de la région, ainsi que la CIA et le FBI, donnaient pour mort — et le mollah Omar, n'avaient pas été capturés. Une force de stabilisation était en place sous commandement turc et le gouvernement Karzaï tenait lieu d'autorité nationale. En octobre, cependant, les forces américaines étaient toujours là. Et les Etats-Unis donnent désormais l'impression d'avoir abandonné l'hypothèse «minimaliste» de départ au profit d'un plan «maximaliste» susceptible de déclencher une nouvelle guerre civile et de les entraîner dans un bain de sang aux conséquences incalculables. Comment expliquer un tel revirement? A en juger par les fréquentes déclarations de l'envoyé des …
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