Les Grands de ce monde s'expriment dans

CONFESSIONS D'UN ENFANT DU XX EME SIECLE

Laure Mandeville - Monseigneur, vous êtes depuis des années un fervent défenseur de l'entrée des pays de l'Est dans l'Union européenne. Ne craignez-vous pas que l'arrivée d'une dizaine de nouveaux membres ait pour effet d'affaiblir les institutions communautaires ?
Otto de Habsbourg - L'élargissement de l'Union européenne est une condition indispensable au maintien de la paix internationale. Nous sommes à l'époque des superpuissances, et l'Europe a la chance d'être la superpuissance de la paix. Pourquoi la Suisse vit-elle en paix depuis si longtemps alors qu'elle était autrefois une nation guerrière ? Parce qu'elle dispose d'un avantage exceptionnel : elle est peuplée d'Italiens, de Français et d'Allemands, alors que ses voisins sont précisément l'Italie, la France et l'Allemagne. Comment pourrait-elle mener une guerre d'agression ? L'Europe est à l'image de la Suisse, partagée en grands groupes nationaux : les Germaniques, les Latins, les Slaves. Voilà pourquoi nous avons besoin de l'élargissement. Je le répète : c'est une condition sine qua non de notre sécurité. D'une manière générale, l'Europe a tout à gagner à l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale. Il y a en Europe de l'Est du sang neuf, des gens de grande valeur qui ont une expérience directe du totalitarisme. Plus vous allez vers l'Est, plus vous trouvez d'Européens convaincus. Je me rends très souvent, par exemple, en Hongrie. Vous ne pouvez pas savoir à quel point l'atmosphère y est encourageante et rafraîchissante. Les gens travaillent, il y a très peu de chômeurs. C'est comme si le pays était déjà intégré à l'Europe ! Quand on franchit la frontière entre l'Autriche et la Hongrie, on ne voit pratiquement plus la différence !
L. M. - Pourra-t-on éviter la cacophonie dans une Europe à 25 ?
O. de H. - Nous avons pris une décision très importante à Maastricht, lorsque nous avons accepté que la subsidiarité devienne l'un des principes fondateurs de l'Europe. Selon ce principe, une entité plus grande ne peut jamais s'arroger des compétences qui sont exercées de manière satisfaisante par une entité plus petite. Il faut construire l'Europe de bas en haut. Or certains bureaucrates de Bruxelles s'obstinent à vouloir bâtir cette maison Europe en commençant par le toit. La méthode est rarement concluante ! Pour moi, le maire est le maillon fondamental de la vie politique, car c'est le seul qui doive répondre de ses actes devant ses administrés. Nous avons besoin de ce lien. C'est en concentrant le maximum de pouvoirs dans les mains des autorités locales qu'on évitera les risques de paralysie. Mais il faut aussi s'entendre à l'échelon supérieur. Et là, permettez-moi de puiser un exemple dans une histoire qui m'est familière : celle de l'Autriche-Hongrie. L'accord entre l'Autriche et la Hongrie de 1867 contient une idée géniale : seuls trois domaines étaient mis en commun - la défense, les affaires étrangères et les finances. Tout le reste se réglait au niveau des nations, c'est-à-dire au niveau des citoyens. Ce système a assez bien fonctionné, d'autant qu'il était assorti d'un dispositif dont on …