ETATS-UNIS: LE REGAIN FRANCOPHOBE 11 septembre 2001. Des Français se pressent par milliers devant l'ambassade américaine. Ils se sont rassemblés spontanément pour exprimer leur solidarité avec un peuple meurtri par le terrorisme. Le lendemain, le quotidien Le Monde résume cet élan dans un éditorial intitulé: "Nous sommes tous américains". Jacques Chirac assure les Etats-Unis du soutien de la France et devient, le 18 septembre, le premier chef d'Etat à rendre visite à George W. Bush après les attentats. La presse d'outre-Atlantique s'en fait largement l'écho. À l'aube d'une nouvelle phase historique, les relations franco-américaines sont à leur zénith. L'esprit de La Fayette, de Pershing et des libérateurs de Normandie semble planer à nouveau sur les deux pays... Mais l'embellie est de courte durée. Très vite, le naturel reprend le dessus. La France est exclue des opérations militaires pendant les premiers mois de l'intervention en Afghanistan. Le discours sur l'état de l'Union du président Bush, le 29 janvier 2002 - où il évoque pour la première fois "l'axe du mal" que formeraient l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord - donne lieu à un échange assez vif entre Hubert Védrine et Colin Powell. Le ministre des Affaires étrangères français juge "simpliste" la déclaration de George W. Bush. Le secrétaire d'Etat américain lui répond d'un trait assassin: "Védrine a des vapeurs!" La dégradation est en marche, précipitée par les décisions américaines sur l'acier et l'agriculture, le dossier du Proche-Orient et la perspective grandissante d'une attaque contre l'Irak. Cette "double inconstance" révèle une double illusion: non, l'Amérique n'est pas devenue une puissance multilatérale magnanime, respectueuse des alliés et encline à la coopération; non, la France ne s'est pas transformée en alliée inconditionnelle des Etats-Unis, prête à les suivre sans regimber dans leur croisade. Mais pour les relations franco-américaines, le pire est ailleurs, dans le jeu des perceptions réciproques. À partir du mois de février 2002, on assiste à un retour en force de l'anti-américanisme en France et, de l'autre côté de l'Atlantique, à un phénomène beaucoup plus rare: une vague de francophobie d'une intensité jamais vue depuis 1986 (quand la France avait refusé le survol de son territoire par les avions de guerre américains partant bombarder la Libye) et 1995 (quand la France avait accusé publiquement cinq ressortissants américains de se livrer à des activités d'espionnage). Le pic est atteint au printemps et un apaisement très relatif intervient pendant l'été. Le principal moteur de cet accès francophobe, qui se poursuit de manière rampante, est l'antisémitisme prêté à la population française, accrédité par la multiplication des attentats anti-juifs au cours des premiers mois de 2002 et, plus largement, par la détérioration de la situation de la communauté juive en France depuis le déclenchement de la seconde Intifada, en septembre 2000. Par ailleurs, la politique étrangère de la France est perçue comme insuffisamment coopérative - malgré sa participation très active à la lutte contre le terrorisme, en particulier sur le plan du renseignement et du soutien militaire - et irrémédiablement hostile à l'Etat d'Israël. Des …
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