Un jour, peut-être, la contribution de la Guinée équatoriale à la littérature policière sera reconnue et saluée. Aucun pays, en effet, ne se prête mieux que ce confetti tropical, coincé entre le Cameroun et le Gabon, aux scénarios les plus imaginatifs. Tout est possible au pays du président Téodoro Obiang Mbasogo. Un pays que le monde redécouvre depuis que le pétrole y coule à flots et que les Etats-Unis ont décidé d'en faire une pièce essentielle de leur stratégie d'approvisionnement en brut. Les auteurs de romans ont situé dans cette ancienne colonie espagnole entre Malabo, Bata et la minuscule île d'Annobon, d'innombrables histoires de trafics d'armes, de drogue, d'êtres humains et de déchets toxiques. Ici, les extrapolations littéraires les plus délirantes sont, hélas, souvent dépassées par la réalité. Ainsi en est-il de l'assassinat du coopérant français André Branger, retrouvé le crâne fracassé et la gorge tranchée un jour de janvier 1993 dans son appartement de Malabo. L'année dernière, un certain Mangue a été condamné pour ce meurtre à trente ans de prison par la cour criminelle de Malabo. Il y a deux ans, la police du président Obiang avait pourtant présenté un autre coupable à la presse. Celui-là s'appelait Ntchocho. C'était un jeune déséquilibré qui se serait introduit par hasard chez Branger espérant y trouver des objets de valeur. Etrange voleur que ce Ntchocho qui, négligeant argent et matériel photo, n'aurait emporté, selon la police, qu'un attaché-case contenant, d'après les amis de Branger, le manuscrit sans valeur commerciale d'un livre que le coopérant français envisageait de publier sur les différents trafics organisés par le clan Obiang. Le manuscrit n'a jamais été retrouvé. En dépit de certaines évidences, les diplomates français ont accepté et appuyé les différentes versions du meurtre d'André Branger proposées par les services de sécurité équato-guinéens. Aucun Français en poste à Malabo ne reconnaît officiellement l'existence du manuscrit dérobé la nuit du meurtre de leur collègue que l'on présente comme un homme fragile, dépassé par ses responsabilités et grand amateur de femmes. Officieusement, on admet toutefois que le récit d'André Branger promettait d'être aussi dévastateur pour le président Obiang et ses proches que le fameux Tropical Gangsters de Robert Klitgaard. Ce haut fonctionnaire international, qui travailla un an auprès des ministres équato-guinéens, brosse le portrait épouvantable de la corruption d'un clan prêt à tout pour s'enrichir rapidement. Le témoignage de Klitgaard a largement contribué à ternir la réputation du président Obiang dans les pays anglo-saxons et les millions de dollars que celui-ci met, depuis, à la disposition des cabinets de lobbying et de relations publiques pour restaurer son image n'ont pas encore permis de réparer les dégâts. Le système Obiang La discrétion dont l'ambassade de France en Guinée équatoriale fait preuve dans l'affaire Branger n'est qu'une expression parmi beaucoup d'autres des excellentes relations que la France entretient depuis longtemps avec le régime de Malabo. En 1979, lorsque le colonel Obiang renverse son oncle, le terrifiant Macias Nguema, la France est déjà le seul Etat à maintenir des relations …
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