Arielle Thédrel et Mihnea Berindei - Si tout se passe comme prévu, la Pologne intégrera l'Union européenne le 1er janvier 2004. Que signifie, pour vous, l'élargissement ?
Leszek Miller - C'est d'abord un tournant historique qui met fin au partage de l'Europe ; en un mot, c'est la meilleure chose qui soit arrivée au continent européen au cours des dernières décennies. Le général de Gaulle, qui se trompait rarement, disait que « le rêve de l'Europe unie n'a aucune chance d'être réalisé car on ne fait pas une omelette avec des œufs durs . Cette fois, il avait tort. La future Union mettra en œuvre des projets qui serviront l'intérêt européen et, à travers l'intérêt européen, les intérêts nationaux, qu'il s'agisse de la capacité du continent à réagir à tout ce qui menace sa sécurité ou de l'agriculture et de la monnaie unique. Car l'élargissement, c'est aussi une avancée économique cruciale. L'Europe va se trouver renforcée. Elle devient une puissance mondiale encore plus compétitive. C'est aussi une chance offerte à la Pologne et aux autres pays candidats d'accélérer leur développement. L'élargissement ne peut que profiter à tous les partenaires de ce processus.
A. T. et M. B. - Quelle est votre vision du fédéralisme européen ? Peut-on imaginer des États-Unis d'Europe ?
L. M. - Compte tenu de l'histoire de la Pologne, je penche plutôt pour une fédération d'États-nations. Les Polonais sont très soucieux de leur souveraineté. Ils se sont battus pendant de nombreuses années pour leur indépendance et ce modèle est celui qui correspond le mieux à leurs attentes. Mais - qui sait ? - il est possible que l'intégration européenne s'approfondisse dans l'avenir. C'est d'ailleurs dans le contexte de l'intérêt européen commun qu'il faut revoir la question du patriotisme, un sujet souvent débattu ici. Ce qui est fascinant dans l'idée européenne, c'est qu'on peut être à la fois patriote polonais, allemand ou français et patriote européen. Comme le disait l'écrivain polonais Karol Irzykowski, « chaque nouvelle génération a droit à une révision absolue des valeurs patriotiques. C'est ainsi que renaît le patriotisme . Et pour nous, aujourd'hui, être patriote consiste à entrer dans l'UE, car notre présence au sein de l'Union décidera de notre avenir.
A. T. et M. B. - En octobre 2001, lorsque vous avez formé votre gouvernement, la Pologne était en queue du peloton dans les négociations d'adhésion. Depuis, vous avez comblé ce retard. Cet été, le commissaire européen à l'élargissement, Günter Verheugen, a reconnu que la Pologne se trouvait « en excellente position pour clore ces discussions dans les délais impartis. Cependant, a-t-il ajouté, « comme dans un marathon, les 35 premiers kilomètres sont les plus faciles. Les plus durs sont les 7 derniers et c'est exactement l'endroit où nous nous trouvons . Êtes-vous d'accord avec cette analyse ?
L. M. - Je suis d'accord. Comme vous venez de le souligner, mon gouvernement a accéléré le rythme des négociations. En octobre 2001, la Pologne avait clos 17 des 31 chapitres de l'acquis communautaire. À …
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