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LES COULISSES DE LA TRANSITION

On pourrait penser que des élections au Congrès du Parti communiste chinois ont au moins ceci en commun avec des élections démocratiques qu'elles permettent de désigner de nouveaux dirigeants au plus haut niveau. Mais il n'est pas nécessaire d'être un crack en histoire pour savoir que les choses se passent rarement ainsi au sein du PCC. Depuis soixante-dix ans, de Mao à l'actuel président Jiang Zemin, en passant par Deng Xiaoping, les promotions s'effectuent toujours en dehors du Congrès, celui-ci ne servant qu'à entériner après coup la légitimité d'une passation de pouvoirs qui fleure plutôt le coup d'État.
D'après les observateurs, ce XVIe Congrès, prévu pour novembre 2002, devrait voir s'opérer le passage de la « troisième génération à la « quatrième génération (1). Si cette transition se déroule sans encombre, ce sera la première fois que des dirigeants chinois accèdent aux plus éminentes fonctions de cette manière.
Le problème Li Peng
Les dirigeants actuels n'ont ni le charisme ni les compétences qui avaient permis à leurs prédécesseurs d'asseoir leur légitimité. Faute d'être élus démocratiquement, la plupart d'entre eux conçoivent le pouvoir comme un ensemble de privilèges. Quant au monopole du Parti, il demeure le socle de la vie politique chinoise. Mais si le fonctionnement des institutions reste relativement peu structuré, on ne peut plus dire qu'il est totalement dénué de garde-fous : une limite d'âge a été imposée, qui contraint désormais les chefs du Parti à céder leur place à partir d'une date précise.
Toutes les conditions sont donc réunies pour rendre cette passation de pouvoirs unique en son genre. Le facteur de l'âge fait peser une forte pression sur les dirigeants de la troisième génération qui devront quitter en bloc leurs fonctions actuelles. Cette nouvelle règle est le fruit d'un compromis : dans le souci d'apaiser les luttes de pouvoir, il fut décidé, lors du XVe Congrès, que les plus de 70 ans devraient faire leurs adieux. À une seule exception près : Jiang Zemin. Mais cette exception était assortie d'une promesse : Jiang Zemin devait prendre sa retraite cinq ans plus tard, c'est-à-dire à l'occasion du XVIe Congrès. Il est vrai que, en 1997, Deng Xiaoping venait de disparaître et que Jiang Zemin cherchait encore à affermir son ascendant sur le Parti. Mais entre-temps la position de Jiang s'est considérablement renforcée et de nombreux observateurs estiment qu'il serait aujourd'hui suffisamment puissant pour se permettre de renier sa promesse d'il y a cinq ans.
Les autres représentants de la troisième génération — principalement le N° 2 Li Peng et N° 3 Zhu Rongji — devraient se retirer totalement de la vie publique. Il semblerait que Zhu n'y voie pas d'objection, même si la Constitution l'autorise à rester premier ministre jusqu'à la tenue d'un nouveau Congrès. Il n'en va pas de même pour Li Peng, qui a au moins deux raisons de se montrer inquiet.
La première, c'est que Li Peng est considéré comme l'un des principaux responsables de la répression armée contre les étudiants de la Place Tiananmen. …