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QUAND LA CHINE EXPLOSERA ...

QUAND LA CHINE EXPLOSERA ... Depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique, les dirigeants chinois appréhendent plus que tout l'émergence d'un syndicat autonome, de type Solidarnosc, qui parviendrait à canaliser les exigences de la classe ouvrière. Particulièrement attentif à une évolution de ce genre, le régime a toujours veillé à contrôler étroitement le syndicat officiel, à empêcher l'émergence de centrales autonomes et à calmer les revendications les plus bruyantes. Au cours du printemps et de l'été 2002, pourtant, les mouvements de protestation, en particulier dans le nord de la Chine, ont pris une ampleur inconnue depuis les grandes manifestations démocratiques de la place Tian'anmen en 1989. Faut-il en conclure que la Chine est au bord de l'explosion sociale et que les coups de boutoir donnés par les dizaines de milliers d'ouvriers rassemblés devant les portes des usines désaffectées finiront par déstabiliser le pays dans son ensemble? Il semble que, cette fois encore, Pékin ait réussi à sauver la mise. L'équilibre, de plus en plus précaire, entre la Chine des nantis (150 millions de personnes) et la Chine des laissés-pour-compte (au bas mot un milliard de paysans et d'ouvriers) se maintient tant bien que mal. Mais pour combien de temps? Par son ampleur, sa durée, la réaction des autorités, le contenu des revendications et l'abondance des informations qui ont filtré jusqu'en Occident, le mouvement ouvrier du printemps 2002 a joué le rôle de révélateur de la crise sociale. Les premières manifestations ont eu lieu au mois de mars dans deux villes industrielles de l'ancienne Mandchourie: Liaoyang (au Liaoning) et Daqing (au Heilongjiang). Une fois n'est pas coutume, les observateurs étrangers ont été tenus informés au jour le jour de l'évolution de la situation. Pourtant, au même moment, de nombreuses personnes interrogées à Pékin, à quelques centaines de kilomètres plus au sud, ont affirmé ne rien savoir de ce qui se déroulait dans les provinces voisines. Ce phénomène surprenant confirme le poids de la censure sur la presse officielle; il montre aussi à quel point les nouvelles technologies — Internet et la téléphonie mobile — ont bouleversé les relations entre les citoyens chinois et le reste du monde. L'une des personnalités qui a le plus contribué à lever la chape de silence qui entoure habituellement ce genre d'événement est Han Dongfang. Basé depuis près de dix ans à Hong Kong, il est l'animateur, avec Cai Chongguo, qui vit à Paris, du China Labour Bulletin. Ce bulletin est envoyé clandestinement en Chine, mais il est surtout diffusé massivement en chinois sur Internet. C'est grâce au travail infatigable de Han Dongfang, qui reste en contact téléphonique avec des milliers d'ouvriers, de chômeurs, de retraités, de cadres et de représentants du syndicat officiel comme de la police, à travers l'ensemble du pays, que nous avons pu reconstituer ici la chronologie des faits. La Terre Sainte du maoïsme Tout est donc parti des provinces du nord-est de la Chine — cette région que les journalistes anglophones ont baptisée, fort à propos, …