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ARAFAT : L'HEURE DE LA RETRAITE ?

Amir Taheri - De nombreux articles ont été écrits sur le conflit israélo-palestinien. Pourtant, le monde extérieur méconnaît la politique interne de l'Autonomie. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Rawya Rashad Shawa - La principale explication réside dans le tour de passe-passe opéré par le président Yasser Arafat. Celui-ci a réussi à faire croire au monde entier qu'il incarnait à lui seul la volonté politique palestinienne en délivrant le même message depuis des années : " Adressez-vous à moi et vous n'aurez plus besoin de parler à quelqu'un d'autre " ! Beaucoup s'y sont laissé prendre. D'autant que sa pratique autoritaire du pouvoir a systématiquement découragé l'éclosion d'un débat démocratique au sein de l'Autorité. Yasser Arafat ne s'est jamais embarrassé de consultations. Il décide souverainement. Il compte parmi ces hommes qui ne peuvent œuvrer que dans l'ombre, dans le secret.
A. T. - Cette méthode semble plutôt lui avoir réussi...
R. R. S. - Oui, parce qu'il a d'abord négocié avec des dirigeants arabes qui partageaient cette culture de l'autocratisme et de la dissimulation. Eux aussi se défiaient du pluralisme politique et préféraient n'avoir à traiter qu'avec un seul interlocuteur. Le monde arabe vivait à l'heure des " hommes forts ". Les Européens, et dans une moindre mesure les Américains, acceptaient cette situation comme un fait de civilisation. Ils cherchaient dans chaque pays de la région le chef tout-puissant avec lequel négocier ou sur lequel ils pourraient exercer une pression. Yasser Arafat devint ainsi l'" homme fort " de Palestine. Un tel cas de figure n'est pas sans avantages pour Israël, dans la mesure où il est plus facile de flatter, d'acheter ou de briser un individu qu'un peuple. C'est, d'ailleurs, cette analyse qui a incité la presse israélienne à remettre Yasser Arafat en orbite lors du sommet d'Oslo, en 1993, et à conclure des pactes secrets avec lui. Les Israéliens s'étaient, en effet, sentis menacés par la nouvelle équipe mise en place deux ans auparavant, à la conférence de Madrid - une équipe constituée de personnes qui avaient vécu, voire travaillé, toute leur vie en Palestine et qui savaient, par conséquent, trouver les mots justes pour convaincre, en particulier les Américains. Il va sans dire que cette équipe n'a absolument pas été tenue au courant des négociations qui ont conduit aux accords d'Oslo et qu'elle l'a ressenti comme une trahison.
A. T. - Voulez-vous dire que Yasser Arafat n'a pas consulté le Conseil national palestinien avant de signer les accords d'Oslo ?
R. R. S. - Exact ! Le Conseil n'est qu'une simple chambre d'enregistrement. De la même façon, nous n'avons appris la signature des accords d'Hébron, en 1997, que de manière indirecte, grâce à un membre arabe de la Knesset, Azmi Bishara. Heureusement pour nous, le gouvernement israélien, lui, est tenu d'informer son Parlement ! Mais, je le répète, Yasser Arafat ne nous avait rien dit ! Il n'a jamais ressenti la nécessité de s'adresser à nous ou de solliciter notre soutien. Il n'avait pas besoin de nos conseils. …