Xavier Harel - Le Nasdaq a perdu 77 % depuis mars 2000, la crainte d'un retour de la déflation pousse les taux d'intérêt à long terme à leur plus bas niveau depuis quarante ans, le Japon ne trouve plus preneur pour ses obligations, le réal replonge... Est-on à l'aube d'une nouvelle dépression du type de celle qui a frappé le monde dans les années 1930 ?
Horst Köhler - Absolument pas ! La reprise de l'économie mondiale, et tout particulièrement de l'économie américaine, va se poursuivre, mais plus lentement qu'on ne l'espérait. Elle sera moins soutenue que nous le souhaitions. L'environnement des entreprises restera marqué par une grande volatilité et une forte incertitude, ce qui n'est évidemment pas très bon pour la marche des affaires. Cela dit, je ne pense pas que l'on se dirige vers une nouvelle récession. L'économie américaine est flexible. Elle a substantiellement amélioré sa productivité. Le bas niveau des taux d'intérêt et les baisses d'impôts n'ont pas fini de stimuler l'économie. Les nouvelles technologies offrent encore de belles perspectives de croissance.
X. H. - Vous pensez donc que les marchés ont tort. On dirait, pourtant, qu'ils achètent la fin du monde plutôt que la reprise...
H. K. - Les marchés n'ont jamais tort. Leur perception peut, néanmoins, changer rapidement. C'est pourquoi leur anxiété et leur volatilité ne doivent pas nous paniquer. Nous traversons une passe difficile. C'est indéniable. Mais la probabilité d'une récession n'est que de 20 à 30 %.
X. H. - L'Europe aussi est en difficulté. Les déficits publics se rapprochent dangereusement des 3 % en Allemagne, en France et en Italie. Faut-il vraiment s'accrocher au pacte de stabilité, compte tenu du ralentissement généralisé de l'économie mondiale ?
H. K. - Oui ! En période d'incertitude et de volatilité, il faut tout faire pour restaurer la confiance et éviter de prendre des initiatives qui pourraient la miner. Il serait contre-productif de remettre en cause le pacte de stabilité, qui interdit de porter les déficits publics des pays membres de la zone euro au-delà de 3 % de leur PIB. Le problème des Européens ne réside pas dans la rigidité du pacte de stabilité, mais dans le fait que des pays comme l'Allemagne, la France ou l'Italie ne cessent de remettre à plus tard les indispensables réformes structurelles. Je parle, bien sûr, du marché du travail, de la fiscalité et des régimes de sécurité sociale. Voilà le vrai défi !
X. H. - Vous avez déclaré que le FMI avait encore beaucoup à apprendre sur les crises financières. Auriez-vous perdu vos certitudes ? Le roi serait-il nu ?
H. K. - Nous sommes plus que jamais sûrs de nous. La multiplication des crises a, certes, mis en lumière nos faiblesses. Mais une nouvelle culture anime le FMI. Il s'agit désormais d'écouter et d'apprendre avant de tirer des conclusions. Personne n'est parfait. Pas même nous ! L'une des leçons tirées des crises passées, notamment en Asie, est que ces pays ont libéralisé trop rapidement les mouvements …
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