Thomas Schreiber - Monsieur le Premier ministre, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c'était ici même, à Budapest, le 10 octobre 1989. À l'époque, vous étiez membre du Comité central et N° 2 du gouvernement. Treize ans plus tard, alors que la dictature communiste s'est muée pacifiquement en démocratie parlementaire, vous voilà de nouveau sur le devant de la scène politique hongroise. D'où ma première question : quel est le poste qui vous a semblé le plus difficile à assumer, vice-premier ministre du dernier gouvernement communiste de la République populaire ou chef d'un gouvernement issu d'élections libres ?
Péter Medgyessy - On a toujours tendance à enjoliver le passé et à considérer que tout était plus facile autrefois. À tort, bien entendu : il est évident qu'en 1989 les choses étaient bien plus compliquées qu'elles n'en ont l'air rétrospectivement... Il n'en reste pas moins vrai que, depuis mon élection en mai dernier, les difficultés n'ont cessé de s'accumuler. Chaque jour apporte son lot de nouveaux problèmes. Je me rends compte que, pour enraciner la démocratie dans un pays comme la Hongrie, il faut du temps, de la patience et un sens du compromis à toute épreuve. Ne serait-ce que parce que, en tant que gouvernement démocratiquement élu, nous devons tenir compte du comportement de l'opposition - une opposition qui se livre à une critique systématique de notre action, y compris lorsque celle-ci est accueillie favorablement par la majorité de l'opinion publique.
T. S. - Voulez-vous dire que l'opposition - menée par l'ancien premier ministre Viktor Orban - ne joue pas le jeu démocratique ?
P. M. - Contrairement à ce qui se passe dans tous les pays démocratiques, l'opposition hongroise est incapable de se résigner à sa défaite. Partout ailleurs, on respecte le verdict des urnes même s'il s'agit d'une victoire obtenue à l'arraché. Une fois les résultats proclamés et le nouveau gouvernement entré en fonctions, la tâche naturelle de l'opposition consiste à faire entendre sa voix, à multiplier les initiatives sur le terrain parlementaire et à préparer les prochaines élections dans l'espoir d'améliorer son score. Or, chez nous, elle cherche à entretenir un climat de tension permanent en organisant des manifestations de rue spectaculaires ! Cet été, la FIDESZ est allée jusqu'à réclamer le recomptage des bulletins de vote alors même que les élections avaient été supervisées par le gouvernement précédent...
T. S. - Comment avez-vous réagi à la publication en juin dernier, par le quotidien Magyar Nemzet, d'un document révélant votre passé d'agent du contre-espionnage sous le régime communiste ?
P. M. - Je me suis déjà expliqué sur cette affaire. Je répète que j'ai toujours été un patriote convaincu : la Hongrie des années 1960 et 1970 était également ma patrie ! En ma qualité de fonctionnaire au ministère des Finances et, parallèlement, en tant qu'officier des services de contre-espionnage, je défendais les intérêts de mon pays, notamment dans le domaine financier - ce qui n'avait rien de répréhensible. J'ai suivi, par exemple, les négociations …
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