La prise d'otages du théâtre de la rue Doubrovka, en octobre 2002, a marqué un tournant décisif dans la guerre qui oppose depuis trois ans les indépendantistes tchétchènes aux troupes de l'armée russe. Elle a, en tout cas, conforté la thèse de tous ceux qui voient dans le conflit tchétchène l'une des multiples ramifications du djihad mondial contre les chrétiens et les juifs lancé en février 1998 par Oussama Ben Laden. Depuis, la présence d'indépendantistes tchétchènes a été remarquée en Afghanistan, en particulier à Koundouz, aux côtés des Talibans, en novembre 2001. Mais cette radicalisation ne date pas d'aujourd'hui. S'il est vrai que les exactions commises par les forces fédérales ont contribué à l'accélérer, le phénomène s'inscrit, en fait, dans une longue tradition.
Le tournant
Bien qu'elle fût sans doute la plus spectaculaire, l'action terroriste contre le théâtre de Moscou n'était ni la première du genre ni la plus meurtrière.
En novembre 1991, quelques jours seulement après la proclamation de l'indépendance de la Tchétchénie, un commando tchétchène avait détourné un avion de ligne russe. De retour à Grozny, les terroristes, parmi lesquels figurait un certain Chamil Bassaëv (1), avaient été acclamés par la foule (2). En 1995, après la prise d'otages de Boudennovsk qui se solda par 150 victimes civiles, Bassaëv devint l'ennemi public N° 1 de la Russie. Loin de ternir son image, ce bain de sang ne fit qu'accroître sa popularité auprès des siens : en janvier 1997, il arriva en deuxième position aux élections présidentielles tchétchènes, obtenant un quart des suffrages. Converti à l'islamisme radical, il demeure une figure emblématique de la cause tchétchène.
La prise d'otages de Moscou n'était pas, non plus, l'attentat le plus sanglant. En septembre 1999, plus de 200 personnes ont trouvé la mort dans des explosions à Moscou et à Volgodonsk. Certains observateurs occidentaux y ont vu la main des services spéciaux russes qui auraient trouvé là un prétexte pour envahir la Tchétchénie et faciliter l'ascension politique de Vladimir Poutine. Bien que les coupables n'aient jamais été identifiés, les autorités et l'opinion publique russes n'ont évidemment pas la même analyse. La paternité de ces actes barbares a été attribuée à des islamistes tchétchènes qui auraient voulu venger la défaite que l'armée fédérale leur avait infligée au Daghestan en août 1999. Les explosions de 1999 se situent, en effet, dans le droit fil des actions terroristes qui, de 1993 à 1999, ont frappé le Daghestan, les territoires de Stavropol et de Krasnodar, la Région de Rostov, l'Ossétie du Nord et la Kabardino-Balkarie. Ces attentats à la bombe, détournements d'avions ou d'autocars et autres prises d'otages avaient, pour la plupart, été revendiqués par des indépendantistes tchétchènes ou des militants " wahhabites " acquis à leur cause (3).
Mais, en octobre 2002, pour la première fois, les terroristes ont agi sous la bannière du djihad. Pour la première fois, les images de ces islamistes prêts à mourir plutôt que de plier devant une " puissance infidèle " ont été diffusées dans le monde entier. Pour …
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