Politique Internationale - Daniel Yergin, vous comptez parmi les plus célèbres experts mondiaux en matière d'énergie. Vous êtes, notamment, l'auteur du best-seller Les Hommes du pétrole, couronné par le prix Pulitzer en 1992. On vous prête cette formule célèbre : " Le pétrole, c'est 10 % d'économie et 90 % de politique. " Est-elle toujours d'actualité ?
Daniel Yergin - J'ai utilisé cette formule pour décrire le marché du pétrole en Europe dans les années 1930, quand la plupart des économies étaient encore dirigées. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Mais il est vrai qu'aucune autre matière première n'a des liens aussi étroits avec la géopolitique. On le constate au Moyen-Orient, en Russie, en Chine, en Amérique latine... Dans tous les pays du monde ! Le pétrole est, par surcroît, une fenêtre ouverte sur le fonctionnement de l'économie planétaire. La simple observation du marché pétrolier permet de déduire, par exemple, que la croissance ne viendra plus de la France ou des États-Unis durant les dix prochaines années. Elle viendra des nouveaux " globalisateurs ", comme la Chine et l'Inde. Leur demande explose et elle devrait être multipliée par deux au cours de cette période. L'énergie est un domaine en constante évolution. Il est très stimulant intellectuellement et n'a cessé de me fasciner depuis l'époque où je n'étais encore qu'un étudiant en relations internationales.
P. I. - Le prix du baril de pétrole a augmenté de près de 50 % depuis le début de l'année 2002. Il fluctue aujourd'hui entre 25 et 32 dollars. Comment expliquez-vous une telle hausse ?
D. Y. - Elle s'explique en partie par des raisons économiques : par les quotas de l'OPEP et par la persistance d'un marché relativement étroit, avec une très faible marge entre l'offre et la demande. À ces facteurs sont venues s'ajouter des tensions politiques provoquées par le conflit israélo-palestinien, la crise au Venezuela et, surtout, la perspective d'une nouvelle guerre du Golfe. La possibilité d'une intervention militaire en Irak a ajouté entre 3 et 5 dollars supplémentaires au prix du baril. C'est ce que j'ai appelé la " prime à la peur ".
P. I. - Comment calculez-vous cette " prime à la peur " ? Jusqu'où peut-elle monter ?
D. Y. - Le calcul est très simple ! Lorsque l'on constate que le cours du pétrole varie de près de 2 dollars à chaque déclaration du président George W. Bush ou de ses homologues irakiens, on peut logiquement en déduire que ce cours est déterminé à hauteur de 10 à 15 % par des facteurs politiques, et non par le simple jeu du marché. Où la hausse s'arrêtera-t-elle ? Tout dépend de la suite des événements. Une interruption de l'approvisionnement irakien pourrait aisément être compensée. Le cours continuerait à monter, mais seulement jusqu'à un certain point. En revanche, si d'autres sources venaient à se tarir ou si elles étaient menacées, si le marché en venait à redouter une pénurie, une réaction émotionnelle pourrait alors se produire, avec des conséquences incalculables. …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles