Les Grands de ce monde s'expriment dans

LE GRAND JEU PÉTROLIER DE WASHINGTON

Les menaces de guerre proférées par George W. Bush à l'encontre de Saddam Hussein ces derniers mois ont été interprétées par nombre d'observateurs comme les prémices d'une campagne visant à s'emparer des fabuleuses richesses pétrolières du golfe Persique. Cette analyse est, certes, polémique. Mais elle se fonde sur un élément indiscutable : la dépendance des États-Unis vis-à-vis de leurs importations d'or noir, l'une des rares faiblesses de l'" hyperpuissance ".
Les Américains consomment le quart de la production mondiale de brut, soit près de 20 millions de barils par jour, qui alimentent leurs différents moyens de transport et leur industrie. Comme les autres pays développés, ils ont considérablement réduit, de près de 30 %, l'intensité pétrolière de leur économie après les chocs énergétiques des années 1970.
Leur production a, cependant, décru de 39 % sur la même période et ils n'extraient plus que 5,8 millions de barils par jour. Ce déclin les a rétrogradés de la première à la troisième position du classement mondial des producteurs de brut, derrière l'Arabie saoudite et la Russie. La chute devrait se poursuivre. D'après l'Energy Information Administration, les États-Unis ne tireront plus de leur sol que 4,3 millions de barils par jour en 2020. Or, parallèlement, leur consommation pourrait augmenter d'un tiers au cours des vingt prochaines années. Il faudra compenser ce décalage par une hausse des importations. Ces dernières couvrent déjà 55,4 % des besoins domestiques (1). Plus de la moitié d'entre elles viennent du continent américain : du Canada, principal fournisseur de Washington, du Mexique et du Venezuela. Lorsque les gisements de ces pays s'amenuiseront à leur tour, le golfe Persique prendra le relais.
Grandeur et décadence de l'alliance saoudienne
Le président Franklin D. Roosevelt avait déjà perçu cette tendance lorsque, en 1945, il décida de s'allier à l'Arabie saoudite, qui n'occupait encore qu'une position secondaire sur le marché des hydrocarbures. Au retour de la conférence de Yalta, il fit un détour par l'Égypte, où il rencontra le roi Ibn Seoud. Les deux hommes conclurent un pacte historique, à bord du croiseur Quincy : en échange de la stabilité du royaume, désormais considérée comme un intérêt vital par les Américains, Riyad s'engageait à garantir les approvisionnements en pétrole des États-Unis.
Les deux pays s'étaient rapprochés pendant les années d'avant-guerre. En 1933, la société californienne Standard oil avait acquis plusieurs concessions dans la péninsule Arabique. L'exploitation n'avait vraiment débuté qu'en 1938, avec la mise en service du puits de Damman. Chaque nouveau forage confirmait la richesse du sol saoudien, qui contenait un pétrole à la fois abondant, peu coûteux à extraire et de bonne qualité. L'Arabie saoudite devint donc rapidement un atout stratégique majeur. Un consortium anglo-américain fut aussitôt mis en place. Baptisé California Arabian Standard Oil, il prit ensuite le nom d'Arabian American Oil Company, plus connu par son acronyme, ARAMCO.
Le pacte du Quincy fut très avantageux pour Washington, qui utilisa également la monarchie saoudienne afin de contrer les ambitions panarabes de Nasser et la ferveur de Khomeiny. Des milliards de …