Les Grands de ce monde s'expriment dans

RÉINVENTER LE FMI

Même chez ceux qui, à Washington, n'hésitent pas à professer des opinions anti-françaises, il est souvent de bon ton de parsemer ses discours de mots en français. Au début du mois d'août 2002, une célèbre expression courait sur toutes les lèvres : " Plus ça change, plus c'est la même chose " (1). Le Fonds monétaire international (FMI) venait, en effet, d'accorder au Brésil un nouveau prêt de 30 milliards de dollars pour enrayer la chute du real et arrêter l'exode des capitaux. Il s'agit de l'une des aides les plus élevées qui ait jamais été promise à un seul pays.
Le FMI prétendait avoir changé de politique, sous la double influence de sa nouvelle direction et de l'arrivée au pouvoir de George W. Bush, aux États-Unis. Cette opération révélait, a contrario, qu'il n'avait pas d'autre choix que de revenir aux pratiques de la fin des années 1990, quand il n'hésitait pas à débloquer des masses considérables de crédits pour voler au secours des pays frappés de plein fouet par la crise, en Asie, en Amérique latine - au Brésil, déjà, en 1998 - et en Russie.
Deux ans auparavant, personne ne pensait que le Fonds se lancerait à nouveau dans une opération d'une telle ampleur. Son directeur général, Horst Köhler, qui venait d'entrer en fonctions, s'était engagé à fixer des limites très strictes au montant global des aides dont un pays pourrait bénéficier. Les grandes actions de sauvetage semblaient appartenir au passé. Ce revirement paraissait crédible, d'autant que les Républicains avaient repris le contrôle de la Maison Blanche et que le secrétaire au Trésor, Paul O'Neill (2), ne cessait de railler l'attitude, à ses yeux trop tolérante, de l'ancienne administration envers les pays en crise.
Les États-Unis, qui sont les plus gros actionnaires du FMI (3), ont pourtant donné leur aval au plan brésilien. Ils pouvaient difficilement agir autrement alors qu'un pays important se trouvait au bord de la catastrophe. Une aide massive, accordée de manière quasi automatique, encourage, certes, les dirigeants de certains pays à prendre des risques inconsidérés et à persévérer dans leurs mauvaises pratiques. Ce phénomène est connu. Les spécialistes le désignent par le terme d'" aléa moral ". Mais la communauté internationale ne pouvait pas laisser l'économie de tout un pays s'effondrer sans réagir. Elle aurait été tenue pour responsable des souffrances infinies provoquées par ce désastre. Son inaction aurait exposé tous les pays de la région à la menace d'une " contagion ", du fait de la crainte croissante des investisseurs.
L'attitude du FMI a, cependant, évolué depuis l'arrivée de ses nouveaux dirigeants. Horst Köhler et son adjointe, Anne Krueger, ont élaboré des propositions assez radicales qui permettraient aux États surendettés de bénéficier d'une forme de protection copiée sur le modèle de la faillite. Leur projet, présenté pour la première fois au public en novembre 2001, est connu sous le nom de " mécanisme de restructuration de la dette souveraine " (Sovereign Debt Restructuring Mechanism, SDRM). Il est loin, toutefois, de constituer une réponse …