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RÉPONSE À UN ANTI-TCHÉTCHÈNE

Alexandre Soljénitsyne, reflétant un sentiment bien enraciné en Russie, avait appelé dès 1994 à parquer derrière des barbelés tous les Tchétchènes qui ne voulaient pas " être russes " et à couper les ponts. Il s'agissait, à l'époque, d'une proposition somme toute " humaniste ", l'autre solution étant la guerre qui commençait - la plus violente et barbare qu'ait connue l'Europe depuis 1945 - et qui se poursuit inexorablement, huit ans plus tard. Aujourd'hui, alors que certains s'étonnent que Ben Laden s'en soit mêlé, Viatcheslav Avioutskii semble emboîter le pas à Soljénitsyne en recommandant un " retrait volontaire " de l'armée russe d'une Tchétchénie dont il conviendrait de rendre les frontières infranchissables. Mais l'auteur de L'Archipel du Goulag rendait, dans cet ouvrage, un vif hommage à la " nation " tchétchène déportée, " la seule sur laquelle la psychologie de la soumission resta sans aucun effet " (1). Alors qu'Avioutskii, lui, dépeint les Tchétchènes comme des fanatiques, des antisémites et des terroristes ataviques. À le lire, nul ne devrait songer une seconde à les laisser maîtres dans leur État. Son plaidoyer en faveur d'une indépendance tchétchène reste donc très ambigu. Il évoque une république " dotée d'un statut d'État associé au sein de la CEI et d'une frontière étanche ". Mais au point où en sont les choses sur le terrain, et au regard de ce qui motive une telle proposition, celle-ci peut-elle encore être prise au sérieux ? L'Occident, confronté depuis peu à d'éventuelles " filières tchéchènes " du terrorisme, pourrait-il y souscrire ?
Avant d'aborder ces questions, il faut examiner pas à pas les arguments que M. Avioutskii tire de l'histoire de ce conflit. Son propos vise à justifier l'" abandon " de la Tchétchénie, non à chercher les voies d'une décolonisation mutuellement profitable. On trouve sous sa plume la plupart des " vérités ", staliniennes et autres, mises en avant à Moscou, avec une rare constance, par ceux qui ont cherché, depuis plus de deux siècles, à coloniser, déporter ou massacrer les peuples du Nord-Caucase, et en particulier les Tchétchènes. Arguments à discuter, à compléter et à accepter, parfois, pour éviter tout " angélisme pro-tchétchène ", mais surtout pour comprendre les méthodes du Kremlin, passées et présentes. Certaines sont propres à tous les empires ; d'autres - attentats ou manipulation d'" extrémistes " - relèvent du cynisme post-totalitaire. Un décryptage du passé est d'autant plus nécessaire que l'accès à la Tchétchénie reste interdit aux étrangers, souvent peu rompus à l'analyse des " vérités " russes sur les origines, la nature et les réalités de cette guerre.
Origines et stades du terrorisme M. Avioutskii affirme d'emblée que la prise d'otages du théâtre moscovite, en octobre 2002, a conforté la thèse du Kremlin selon laquelle la guerre en cours ne serait qu'une des " ramifications du djihad mondial contre les chrétiens et les Juifs lancé en février 1998 par Oussama Ben Laden ".
Et de citer ces fameux Tchétchènes qui auraient aidé les Talibans en 1991, aux côtés de …