Les Grands de ce monde s'expriment dans

LA NOUVELLE POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE

Où va l'Amérique ? À en croire les faucons de Washington, mais également certains de leurs adversaires, l'Afghanistan et l'Irak ne seraient que les premières étapes d'une longue guerre contre le terrorisme visant à abattre, un à un, les fiefs de l'" axe du Mal " et autres États voyous (1). Selon cette interprétation, Al-Qaida apparaît comme une sorte d'agent involontaire de l'histoire impériale américaine, fournissant l'impulsion qui galvanise l'opinion publique, renforce le poids des néo-impérialistes et justifie l'entrée dans une nouvelle phase expansionniste durable, appuyée sur un outil militaire sans précédent (2).
L'ennui, c'est que cette théorie ne résiste pas à un examen attentif de la politique de l'administration Bush. Certes, au lendemain du 11 septembre, la diplomatie américaine a subi une inflexion - inflexion qui doit autant à la transformation du monde qu'à l'attitude de la Maison-Blanche. Mais, sauf événement exceptionnel (attaque nord-coréenne, par exemple), il est probable que cette tendance ne sera pas durable. On assistera, dans les mois qui viennent, à un ralentissement sensible de l'activisme qui s'est manifesté en Afghanistan et en Irak, au profit d'une tentative de stabilisation du Moyen-Orient et d'une poursuite plus discrète, mais non moins intensive, de la lutte contre les réseaux terroristes.
Qui sème le vent récolte la tempête ?
Sous Bill Clinton, soulignent les démocrates, l'Amérique était en forte croissance économique, son budget était excédentaire et elle était en paix. Sous George W. Bush, elle est en quasi-stagnation, en déficit et en guerre. Au-delà de la boutade, ce constat correspond, sous une forme extrême et partisane, à la vision de certains observateurs européens et de certains libéraux américains.
Selon eux, c'est en raison de l'unilatéralisme et des provocations inutiles de Washington, notamment de sa nouvelle stratégie de " préemption ", que le paysage apaisé des années 1990 se serait mué, à l'hiver 2003, en décor de bataille (3). Kim Jong-Il, avec qui une entente semblait possible - n'avait-il pas reçu Madeleine Albright à Pyongyang en octobre 2000 ? -, aurait été déstabilisé par l'approche hostile et idéologique de l'administration Bush. En choisissant de rompre les négociations en cours dès son arrivée au pouvoir, d'inclure la Corée du Nord dans l'" axe du Mal " (discours du 29 janvier 2001) et de développer son nouveau concept de guerre préventive (septembre 2002), celle-ci a envoyé aux dirigeants nord-coréens un message on ne peut plus clair. Même un régime moins paranoïaque que celui de Pyongyang ne se s'y serait pas trompé : s'il ne voulait pas subir le sort de l'Irak, il lui fallait acquérir au plus vite les instruments de la dissuasion nucléaire.
L'Irak, justement. En 2000 et 2001, Colin Powell en parlait comme d'un pays " faible ". Condoleezza Rice, elle, expliquait, tout comme le secrétaire d'État, que le régime s'effondrerait bien un jour, qu'il suffisait de maintenir la pression ; bref, qu'il convenait de ne pas succomber à " un sentiment de panique " (4). Quant à l'Iran, dont le rapprochement avec les États-Unis semblait progresser, en particulier après …