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MOLDAVIE : UN DÉSIR D'OCCIDENT ?

Mihnea Berindei et Arielle Thédrel - Vous êtes le troisième président de la République de Moldavie depuis la proclamation de son indépendance, le 27 août 1991 (26). De nombreux analystes politiques s'interrogent sur la viabilité de votre pays qui, entre autres handicaps, souffre d'une absence quasi totale de ressources énergétiques. L'économie moldave est très dépendante de l'extérieur - avant tout de la Russie (27). Et la Transnistrie n'a pas abandonné ses velléités sécessionnistes. Dans ces circonstances difficiles, n'est-ce pas l'existence même de la Moldavie en tant qu'État qui est menacée ? Et la Moldavie pourra-t-elle constituer une vraie nation ?
Vladimir Voronine - La viabilité d'un pays se mesure surtout à l'aune de critères politiques et sociaux. Et l'histoire n'est pas indifférente. N'oubliez pas que l'apparition d'un État moldave ne date pas du 27 août 1991, mais du milieu du XIVe siècle ! La Moldavie, qui a toujours été un pont entre l'Est et l'Ouest, a survécu à trois siècles de domination ottomane. Plus récemment, nous avons appartenu, pendant cinquante ans, à l'Union soviétique. Lorsque nous sommes devenus indépendants, nombre de liens économiques, politiques et culturels ont été rompus. Nous avons dû les rétablir ou les remplacer, ce qui fut plutôt difficile. Aujourd'hui, nos tâches principales consistent à reconstituer l'unité du pays et à souder une population composée de multiples nationalités : Moldaves, Ukrainiens, Russes, Gagaouzes... Quant aux handicaps auxquels vous faites allusion, ils sont le lot de tous les pays en transition ! Il n'en reste pas moins vrai que nous accusons le contrecoup du passage à l'économie de marché, qui n'a rien d'un mécanisme simple : c'est toute l'économie du pays qu'il faut reconstruire !
M. B. et A. T. - Vous parlez d'économie de marché ; pourtant, vous vous dites communiste ! Comment conciliez-vous les deux ?
V. V. - Le communisme et l'économie de marché ne sont pas incompatibles. Le Parti des communistes moldaves (PCM) - que je préside - est le premier parti communiste à avoir démocratiquement remporté des élections nationales. Ceci explique cela. Nous reconnaissons toutes les formes de propriété : nous ne luttons pas contre les riches, mais contre la pauvreté ! C'est toute la différence entre le PCM et les anciens partis communistes.
M. B. et A. T. - L'agriculture moldave emploie plus de 50 % de la population active et représente 65 % des exportations. Le processus de décollectivisation entamé en 1996 (28) a été radical. Malgré - ou à cause de - cela, la majorité des paysans moldaves pratiquent aujourd'hui une agriculture de subsistance et le pays souffre de pénuries chroniques - en particulier de céréales et de viande - qui l'obligent à importer ces produits de première nécessité. Quelle réforme envisagez-vous dans ce domaine ?
V. V. - Il est exact que 96 % des terres cultivables ont déjà été privatisées. Malheureusement, il ne suffit pas de transférer la propriété foncière aux paysans pour obtenir une agriculture efficace. En 1996, ils ont, bien sûr, reçu des terres... mais rien …