Amir Taheri - La guerre d'Irak est-elle, selon vous, annonciatrice d'autres conflits dans la région ?
Abdullah ben Hamad Al Attiyah - Je ne le pense pas, et j'espère bien que non ! Certes, le recours à l'option militaire démange certains dirigeants. Mais je souhaite de toutes mes forces que la raison finisse par prévaloir. Je ne vois pas ce que de nouvelles guerres pourraient apporter de plus que des négociations politiques et une diplomatie inventive. Ce qui est évident, en revanche, c'est qu'une fois la question irakienne réglée, toute l'architecture politique du Moyen-Orient risque de connaître une profonde restructuration. Car la plupart des pays arabes sont traversés par un puissant courant de fond qui prône des réformes radicales. Les États arabes sont conscients d'avoir pris beaucoup de retard sur la marche de l'ensemble de l'humanité vers le progrès. Certains pays, dont le Qatar, ont entamé leurs réformes depuis longtemps ; ils seront par conséquent les fers de lance de ce remodelage futur de la région. Les États arabes vont devoir s'attaquer à plusieurs chantiers essentiels et complexes : mettre fin à la discrimination des femmes, développer le processus électoral, ouvrir de plus grands espaces de liberté aux médias ; bref, apprendre à mieux respecter les droits de l'homme.
A. T. - La production pétrolière irakienne, qui atteint presque les trois millions de barils par jour (bpj), pourrait être bloquée pour une période indéterminée. Avec la crise vénézuélienne et les violences récurrentes qui menacent toujours l'industrie pétrolière du Nigeria, ce sont trois autres millions de bpj qui peuvent être retirés du marché. Ne craignez-vous pas une pénurie ?
A. H. A. A. - Pas du tout, bien au contraire. Souvenez-vous du krach de 1979 : après la révolution iranienne, ce sont 3,5 millions de bpj que le marché avait perdus. L'Opep (1) avait alors aisément comblé le manque. Survint la guerre Iran-Irak : les exportations mondiales chutèrent en moyenne de 3 millions de bpj, sur une période de huit ans. À nouveau, l'Opep sut couvrir la différence. L'invasion du Koweït par l'Irak en 1990 engloutit 3,5 millions de bpj. Encore une fois, l'Opep est intervenue pour empêcher les prix de s'envoler. La capacité de notre organisation à assurer l'équilibre du marché en cas de force majeure a donc été maintes fois prouvée, et rien n'indique qu'il en ira autrement à l'avenir.
A. T. - Mais, cette fois, la demande globale est bien plus élevée que par le passé. Quant aux réserves américaines de brut, elles n'ont jamais été aussi basses depuis vingt-cinq ans. Certains marchés asiatiques doivent également faire face à un approvisionnement insuffisant. Dans ce contexte, d'où pourrait venir une augmentation de la production susceptible de contrebalancer une chute brutale de l'offre mondiale ?
A. H. A. A. - Essentiellement d'Arabie saoudite. Le royaume peut rapidement porter sa production à 10,5 millions de bpj. Les Saoudiens, ne l'oubliez pas, disposent d'une réserve de capacité équivalente à 3,5 millions de bpj. Les autres États du Golfe membres de l'Opep peuvent, …
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