UNE GUERRE INUTILE ?

n° 99 - Printemps 2003

Pierre Joannon - Saïd Aburish, vous êtes l'auteur de cinq livres sur le destin des Arabes au XXe siècle : un ouvrage sur la Maison des Saoud de 1929 à nos jours ; un autre sur la dynastie hachémite ; un troisième sur Arafat ; le livre qui vient d'être traduit en français sur Saddam Hussein ; et le dernier que vous venez tout juste de terminer sur Nasser. Pourquoi n'avez-vous écrit que des biographies ?
Saïd Aburish - La forme biographique s'est imposée à moi car une histoire institutionnelle des États créés au lendemain de la Première Guerre mondiale n'aurait eu, à mes yeux, aucun sens : l'histoire des Arabes se confond avec l'histoire de leurs leaders.
P. J. - Comment votre destin a-t-il croisé celui de l'Irak ? S. A. - Je suis arrivé en Irak à l'âge de six ans, en 1941. Mon grand-père maternel y avait suivi Hadj Amine el-Husseini, le Grand Mufti de Jérusalem. À l'époque, le pays était dirigé par le gouvernement pro-allemand de Rachid Ali el-Kailani. Ce fut un bref séjour dont j'ai néanmoins gardé un souvenir très vif. Nous sommes rentrés précipitamment en Palestine où la guerre faisait rage. En 1941, les Britanniques ont lancé une grande offensive en Irak et destitué Rachid Ali el-Kailani. Savez-vous * Écrivain et journaliste palestinien, né en 1935 dans le village de Béthanie, non loin de Jérusalem. Saïd Aburish a fait ses études aux États-Unis avant de devenir correspondant de Radio Free Europe de 1958 à 1962. Naturalisé américain en 1963, il a été correspondant du Daily Mail à Beyrouth de 1962 à 1964. Il a ensuite créé plusieurs sociétés de conseil qui ont participé au développement de l'Irak. Auteur, entre autres publications, de : Le Vrai Saddam Hussein, Saint-Simon, 2003. ** Écrivain et journaliste. que l'Irak a été le seul pays à avoir été envahi trois fois par les Britanniques au cours du XXe siècle : en 1917, en 1941 et en 1991 ? Depuis la fin mars, nous sommes les témoins d'une quatrième invasion. Aucun autre pays n'a joui d'un tel privilège !
P. J. - Vous avez renoué le contact avec l'Irak dans les années 1970...
S. A. - C'est exact. Je dirigeais, à l'époque, une société de conseil baptisée Growth International. Une autre société de même type lui succéda peu après : Aburish, James and Associates, dont j'étais président. Nous avions des bureaux à Londres, Paris, New York et Los Angeles. Notre travail consistait à aider des entreprises à se développer sur le plan international. En 1974, j'ai été contacté par un ancien condisciple que j'avais connu à Beyrouth, le Dr Ramzi Dalloul. Il dirigeait la société Arab Resources Management (ARM) qui travaillait pour l'Irak. Il était en relation permanente avec le vice-premier ministre et ministre du Plan Adnan Hamdani ; par la suite, il fut conduit à traiter directement avec Saddam Hussein. Il me dit : " J'ai besoin de toi. L'Irak souhaite attirer les grandes firmes avec lesquelles tu es …