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Radioscopie de la Syrie nouvelle

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Politique Internationale Un an après la chute du régime de Bachar el-Assad, pouvez-vous brosser brièvement un tableau des forces en présence en Syrie ?

Thomas Pierret On peut distinguer trois entités. D’abord, les territoires sous le contrôle du gouvernement de Damas, qui correspondent plus ou moins aux deux-tiers occidentaux de la Syrie. On a ensuite les territoires situés à l’est de l’Euphrate, soit environ un tiers du pays, qui sont contrôlés par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition militaire dirigée par des militants kurdes, mais qui inclut également un nombre important de combattants arabes et d’autres minorités ethniques, soutenue jusqu’à présent par les États-Unis. La troisième entité est beaucoup plus petite : il s’agit de cette partie de la province de Soueïda qui est aux mains de groupes armés druzes placés sous l’autorité du cheikh Hikmat al-Hajari. Depuis les combats du mois de juillet, cette région est en état de quasi-sécession vis-à-vis du pouvoir central. Elle dispose de sa propre force armée, est en train de développer des institutions de type étatique, et même une forme d’administration fiscale. Cette entité est ouvertement protégée par Israël, sans aucune perspective claire de réintégration dans le giron de l’État central.

On pourrait mentionner une quatrième région qui échappe elle aussi à l’autorité du gouvernement de Damas : le Golan, annexé par Israël en 1981, auquel s’ajoute une « zone démilitarisée » établie en 1974 après la guerre du Kippour. Cette zone reste officiellement reconnue comme un territoire syrien par Israël, mais elle a été occupée militairement le 9 décembre 2024 au lendemain de la chute d’Assad.

P. I. Quelles sont les puissances derrière ces différentes forces ? L’Iran, en particulier, a-t-il encore une influence ?

T. P. — L’Iran est largement hors jeu depuis la chute d’Assad. Le nouveau pouvoir n’a pas pour l’instant de relations avec Téhéran. À la fois parce que de telles relations seraient très impopulaires en Syrie étant donné la politique iranienne de soutien à Assad, et parce que le gouvernement d’al-Charaa cherche à se rapprocher d’États qui, comme l’Arabie saoudite ou les États-Unis, souhaitent qu’il garde ses distances vis-à-vis de la République islamique. L’Iran est de temps à autre accusé de soutenir des éléments de l’ancien régime qui opéreraient sur le territoire syrien. Ces accusations me paraissent un peu excessives. À mon avis, il n’a pas intérêt à entretenir un combat d’arrière-garde, ne serait-ce que parce que ces forces de l’ancien régime ne représentent plus grand-chose en termes militaires. Aujourd’hui, la présence de l’Iran en Syrie semble essentiellement liée à des activités de contrebande d’armements à destination du Hezbollah libanais. Des cargaisons d’armes partant de la Syrie vers le Liban sont régulièrement interceptées par les forces de sécurité syriennes. De manière plus marginale, on a vu apparaître au printemps dernier quelques cellules proches du Hezbollah libanais, mais qui clairement ne se présentaient pas comme des groupes hostiles au gouvernement central. Il s’agissait plutôt de groupes qui voulaient maintenir une forme de lutte contre Israël depuis le sol syrien.

P. I. — …