Les Grands de ce monde s'expriment dans

America, America…

Patrice de Méritens — En regardant votre main gauche, on constate que vous êtes bagué exactement comme un oiseau de haut vol !

Philippe Labro — Ah, oui ! C’est ma bague de l’Université de Washington and Lee, à Lexington, en Virginie, que je porte en permanence comme un fétiche, souvenir de mes deux années d’étudiant là-bas, entre 1954 et 1956. Arrivé à 18 ans grâce à une bourse Fulbright d’un an, j’ai été autorisé, au vu de mes notes, à rester une année supplémentaire grâce à l’intervention d’un ancien élève fortuné, avec l’accord du doyen. Pendant ce séjour, je n’ai pas prononcé un mot de français. Je n’avais de contact avec ma famille que par courrier, car le téléphone n’était guère aisé. Je me suis donc immergé dans l’univers américain, jusqu’à acquérir un bilinguisme et une biculture qui ont métamorphosé ma vie. Mon rapport aux États-Unis, pour être précis, n’est pas de l’ordre de la passion ou de la fascination, mais d’un intérêt constant. J’y ai été magnifiquement reçu, soutenu dans ma solitude, avec des professeurs de journalisme extraordinaires, d’où mon sentiment de reconnaissance, de gratitude envers cette université, envers les Américains et leur hospitalité, même si, par ailleurs, le regard que je porte sur eux tente toujours d’être objectif.

P. de M. — Cette plongée américaine vous a-t-elle changé d’un point de vue moral ?

P. L. — Paul Morand disait que toute personne qui a vécu ses 20 ans à l’étranger est différente. Vivre loin de chez soi induit une nécessité d’adaptation. Par exemple, à l’université, à la règle du « bonjour - au revoir » : ne pas saluer la personne que vous croisiez vous valait non pas une sanction, mais une convocation pour rappel à l’ordre. Autre impératif : le costume-cravate toute la journée. Et surtout, il y avait l’honnêteté et l’honneur : vous pouviez laisser vos affaires sur une table, vous les retrouviez sur place le lendemain. Ne pas tricher, ne pas copier, loyauté et franchise étaient, bien évidemment, des valeurs que mes parents — qui ont été honorés par Yad Vashem comme Justes parmi les nations — m’avaient déjà inculquées. On dit qu’à 15 ans tout est joué — pour autant, mon expérience américaine a approfondi chez moi le fameux « deviens ce que tu es ». Mes deux années à Lexington m’ont formé au jugement et à l’observation. Tout est important lorsque vous êtes à l’étranger : chaque mot, chaque attitude. Vous n’êtes pas en danger à proprement parler, mais aux aguets. C’est ainsi que j’ai pris l’habitude de savoir écouter les autres.

P. de M. — Et culturellement parlant ?

P. L. — J’ai reçu de fortes leçons de journalisme. Dans les colonnes du journal du campus, j’ai publié mes premières critiques de cinéma, ce qui m’a permis de voir tous les films de la fin des années 1950. J’intervenais aussi sur les ondes de la radio locale dont les auditeurs rigolaient à l’écoute de mon accent français ! Et, surtout, nous étions envoyés sur le terrain : au commissariat local, à la poste, chez le boucher, à la banque, dans les rues, avec le souci premier de connaître le territoire. Voir et rapporter, être reporter…

P. de M. — Si certaines de ces constantes perdurent, il semble que l’ambiance ait lourdement changé sur les campus américains…

P. L. — Je suis revenu à Washington and Lee une première fois pour y recevoir un diplôme de docteur honoris causa. J’ai eu droit aux discours, à la toge, moment merveilleux après la sortie de L’Étudiant étranger, qui retraçait les mœurs et l’esprit de cette école, une sorte de Harvard du Sud. J’y suis retourné ensuite pour l’enterrement d’un de mes professeurs. Il est certain qu’au fil des décennies bien des choses ont changé au sein des universités américaines, d’abord avec la mixité sexuelle et raciale, ce qui, en soi, est hautement positif ; mais, depuis, la cancel culture et la dictature du politiquement correct ont fait leur apparition, et l’on assiste à une hystérisation des campus. Cette peste intellectuelle qu’est le woke complique tout en soumettant les professeurs et les cadres universitaires aux élucubrations et aux délires des minorités. Plus question pour un enseignant, s’il ne veut pas se mettre en danger, de recevoir une élève, voire un élève, dans son bureau sans que sa porte ne soit ouverte. Le woke est une gangrène qui infecte depuis quelque temps la France, avec les Insoumis doublés de certaines fractions politiques dont le but essentiel est de déstructurer le système. Pour détruire l’ordre classique, la dictature de la parité sert souvent de cheval de Troie, au point que le féminisme, parfaitement légitime dans son essence, s’est mué en agressivité et en outrance.

P. de M. — Ce sont les aspects inattendus de l’interpénétration culturelle. Avec quelques années de retard, le pire comme le meilleur nous arrive d’outre-Atlantique…

P. L. — Avec le woke, les atteintes à la liberté de penser se sont multipliées chez nous de façon scandaleuse. Sylviane Agacinski a été empêchée de s’exprimer dans une université à Bordeaux ; Élisabeth Badinter a été prise à partie sur les réseaux sociaux ; sous prétexte de discrimination sexiste, Valérie Plazenet, professeur de danse à Sciences Po, a été évincée de son cours pour avoir refusé d’adopter la logomachie « leader/follower » destinée à remplacer la notion de genre. Être un homme ou une femme et se reconnaître comme tel est devenu réactionnaire. Le paradoxe est de constater que ce mouvement qui vient des États-Unis, on le doit à nos philosophes de la déconstruction : les Derrida, Foucault, Deleuze et autres inventeurs de la « french theory » qui ont donné des conférences et enseigné aux États-Unis — notamment en Californie — jusqu’à devenir des stars. Certains diront que leur pensée, adoptée par les Américains, a été pervertie. Ça, c’est le côté négatif. Mais on peut également prendre en compte les échanges culturels réciproques, qui sont admirables…

P. de M. — Et dont l’essence première est une indéfectible amitié ?

P. L. — Exactement. Parlons d’abord de littérature. Il faut savoir, et c’est passionnant, que les écrivains américains ont en partie accédé à la notoriété grâce à la France. En Amérique, ils sont isolés, avec une difficulté certaine à exister dans ce pays à dimension continentale. À New York, Washington, Boston ou Chicago, peut-être. Mais ailleurs, au Kansas, au Colorado ou dans tout autre État reculé de l’Amérique profonde, être écrivain est un acte solitaire. En France, en revanche, où l’écriture et la littérature ont toujours été très importantes, ils ont été reconnus. Ainsi, sous l’influence de la NRF, d’André Gide et de quelques autres, notamment de Michel Mohrt, qui entretenait une correspondance avec Jack Kerouac, ils ont pénétré notre culture. C’est le grand traducteur Maurice-Edgar Coindreau qui a fait découvrir à Gaston Gallimard les œuvres d’Hemingway, Dos Passos, Faulkner, Steinbeck, Capote, Caldwell ou Styron. Par la suite, la critique française qui vouait à cette littérature une sorte de vénération, a réservé un même accueil à Tom Wolfe, Norman Mailer ou Philip Roth. Paul Auster, par exemple, n’est assurément pas aussi respecté dans son pays qu’il peut l’être dans les 6e et 7e arrondissements de Paris ! J’ai le souvenir d’un cocktail littéraire dans les jardins de Gallimard où l’on pouvait contempler William Faulkner allongé sur le gazon… Au sein de nos maisons d’édition les plus prestigieuses, Gallimard et Grasset en tête, il y avait même un snobisme du premier roman américain, presque mieux accueilli qu’un premier roman français.

P. de M. — Quelles ont été les influences réciproques ?

P. L. — Joseph Kessel, Pierre Drieu la Rochelle, Albert Camus ou Jean-Paul Sartre se sont inspirés des auteurs américains. Camus se réclamait du roman noir, notamment d’Horace McCoy. André Gide était en pâmoison devant Raymond Chandler et Dashiell Hammett, et il avait raison. On dit « roman noir », mais il s’agit tout simplement du roman, parce qu’il n’y a pas de différence entre polar et roman classique dès lors que la démarche est littéraire, interprétant et dépeignant le monde. Prenez Les Chemins de la liberté : Jean-Paul Sartre n’a pas copié, mais lu, très attentivement John Dos Passos. La construction, la multiplicité des personnages et l’enchevêtrement sont typiquement inspirés des Américains. Aujourd’hui, Pierre Lemaître, écrivain et scénariste, a parfaitement intégré cet art de la narration, notamment avec Au revoir là-haut, qui lui a valu le prix Goncourt. Et Le Lambeau de Philippe Lançon est, à sa manière, un chef-d’œuvre américain, rapportant un événement précis — l’attentat contre Charlie Hebdo — tout comme le faisait William Styron sur sa dépression. J’ai moi-même été influencé par la construction américaine dont l’impératif premier est de ne jamais lâcher le lecteur. Le principe du page-turner, « tourneur de page », qui désigne un livre particulièrement haletant, vient de là-bas. Le jeune écrivain suisse romand Joël Dicker s’est taillé une renommée internationale en s’inspirant de la structure et de la méthodologie du récit américain. Il existe aux États-Unis des écoles d’écriture qui fabriquent des histoires, comme nous, nous fabriquons des pâtes alimentaires ! Ce n’est pas toujours génial. Cela étant, et pour en revenir aux grandes signatures, s’il y a une pénétration du savoir- faire américain, du tell it like it was propre à Hemingway, rappelons-nous que ce dernier se réclamait de Flaubert et de Balzac. Tom Wolfe, avec qui j’ai eu la chance d’être très ami, se référait quant à lui à Balzac et à Zola. Quand nous nous écrivions, je le surnommais « Balzola » ! Il a toujours été en conflit avec John Updike, Norman Mailer et toute l’équipe du New Yorker, en décidant, à partir de faits réels, de se mettre dans la tête des protagonistes. Le nouveau journalisme à la Tom Wolfe se permet de penser à la place des gens que l’on décrit. C’est l’invention d’un nouveau langage et la destruction des structures habituelles du journalisme. Tom Wolfe nous a tous influencés.

P. de M. — Peut-on parler d’amour entre les deux pays ?

P. L. — Il faut lire Adam Gopnik, auteur d’une quinzaine d’ouvrages, qui fut correspondant du New Yorker à Paris de 1995 à 2000. Son Paris to the Moon est un véritable hymne d’amour à la France. Nombre d’écrivains américains ont débarqué chez nous durant les années 1920-1930, non seulement parce que la France leur apparaissait comme le pays des Lumières, de Montaigne, Rousseau, Montesquieu, Balzac, Flaubert, Stendhal, Maupassant, etc., mais aussi pour notre art de vivre. S’asseoir aux terrasses des bistrots à Montparnasse durant quatre heures pour bavarder, ce n’est pas très américain. Au bout d’une demi-heure on vous présente la note et goodbye. Si les intellectuels comme Henry Miller ou Anaïs Nin se nourrissaient de culture française, la réciproque était vraie, ainsi de Simone de Beauvoir qui vécut selon ses propres mots un « amour transatlantique » avec Nelson Algren, l’auteur de The Man with the Golden Arm, publié en français sous le titre L’Homme au bras d’or, traduit par Boris Vian. De 1947 à 1964, elle lui a adressé des centaines de lettres passionnées. Il a été l’un de ses amants majeurs.

P. de M. — L’amour, on le trouve aussi dans la façon dont le cœur de la France bat au rythme de la musique américaine…

P. L. — Tous les styles : jazz, rock, folk, soul, funk, disco, hip- hop, rap, rythmes afro-américains font partie de notre quotidien. De même pour les classiques, George Gershwin ou Leonard Bernstein, les minimalistes comme La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich ou Philip Glass, qui rencontrent un vif succès chez nous… à l’instar de Maurice Ravel lors de sa tournée triomphale en Amérique, ou de Maurice Jarre qui y a fait une éblouissante carrière de compositeur de musique de films.

En peinture, aussi, les cœurs ont battu à l’unisson. Je ne reviendrai pas sur la période impressionniste et l’histoire de Montparnasse ou sur les performances de l’art contemporain. Il suffit, à cet égard, de citer la magnifique exposition Claude Monet- Joan Mitchell présentée à la Fondation Vuitton. C’est, comme vous le savez, un dialogue posthume entre un maître disparu en 1926 et une Américaine qui allait devenir célèbre dès les années 1950, issue de l’école de New York — Jackson Pollock, Franz Kline, Willem de Kooning, etc. — et dont le travail à ses débuts s’est inspiré de Monet, mais aussi de Van Gogh, Cézanne, Matisse et Kandinsky.

P. de M. — Il n’y a pas que la littérature, la musique et la peinture. Il y a aussi le cinéma, que vous avez vécu de l’intérieur…

P. L. — De fait, j’ai réalisé sept films, avec pour maître et mentor Jean-Pierre Melville, lui-même intensément nourri de cinéma américain. Il était capable de vous réciter les noms des soixante- trois metteurs en scène des années 1930 à 1960 qui l’avaient inspiré. C’est à partir de cette imprégnation qu’il a bâti son œuvre. Il en a fait du Melville, avec sa propre vision d’artiste et son génie, au point qu’une fois ses films distribués dans les cinémathèques et les universités les Américains l’ont considéré comme un maître, d’où son influence sur la génération des Michael Mann et des Quentin Tarantino. Et c’est allé plus loin encore, jusqu’à Hong Kong et en Chine.

Dans ce cercle vertueux qu’est l’échange réciproque au sein d’un art, il ne faut pas oublier la Nouvelle Vague. Quand elle déferle avec Louis Malle, Claude Chabrol, François Truffaut, Jean-Luc Godard, ces derniers apportent un souffle nouveau, et les cinéastes américains s’y intéressent d’autant plus que, dans Les Cahiers du cinéma, ces jeunes metteurs en scène étaient auparavant des essayistes. Godard, Truffaut et consorts ont commencé en écrivant. Ils se sont engagés dans la création cinématographique parce qu’ils considéraient que c’était l’art suprême, mais aussi parce qu’un jour Rossellini leur avait dit : « Si vous voulez avoir les filles, faites du cinéma ! » Et ils l’ont fait. C’était bien évidemment une autre époque. Ce genre de phrase n’est plus prononçable.

Ils étaient fascinés par les réalisateurs américains en qui ils voyaient de véritables auteurs, alors que les intéressés se considéraient comme de simples artisans, fabriquant des polars, des drames, des comédies. Et voilà que des intellectuels français leur apprenaient que leur statut était autre : du coup, les Robert Aldrich, Howard Hawks, John Ford ou Hitchcock ont adopté des attitudes d’auteurs, ce qui les a aidés dans leur création. Parallèlement à cette révolution des mentalités, les films de la Nouvelle Vague exportés aux États- Unis n’obtiendront pas véritablement de succès commerciaux, mais exerceront une influence sur la génération des Scorsese, Spielberg, Francis Ford Coppola ou Arthur Penn. Le scénario de Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, par exemple, sera proposé à Truffaut. C’est passionnant de voir à quel point tout tourne. C’est une sorte de ronde, pour reprendre le titre du chef-d’œuvre de Max Ophüls.

P. de M. — Diriez-vous que cette ronde est encore d’actualité ?

P. L. — La production américaine actuelle étant pour une bonne part dévolue au Marvel Universe, ces blockbusters aux confins du merveilleux destinés aux enfants qui durent deux heures et qui, à mon sens, n’ont guère d’intérêt, l’influence française y est moins forte. Les Godard, Chabrol, Malle et consorts sont tous morts, mais nous avons des jeunes cinéastes tout à fait doués, en particulier Cédric Jimenez, réalisateur de BAC Nord et de Novembre, à qui j’ai écrit pour lui dire : « Vous êtes un cinéaste américain. » Une nouvelle génération arrive, nourrie de notre culture nationale, mais aussi par le goût du récit, la construction, le casting, la lumière propres aux Américains. Jean-Pierre Melville avait observé qu’il existait une lumière bleue américaine que nous ne savions pas faire. Il s’est penché sur ce problème et a réussi à la recréer. C’était une question de laboratoire : les bains français n’avaient pas la même texture, la même composition que les bains américains. Aujourd’hui, à l’heure du numérique, tout cela est mondialisé, évidemment.

Tout est interpénétré, et si Hollywood a été l’une des grandes universités du cinéma mondial, nous jouons encore un rôle certain, nous Français, avec notre Festival de Cannes et avec un grand bonhomme, Thierry Frémaux, qui accomplit un travail remarquable à la tête de l’Institut Lumière de Lyon. Malgré l’arrivée des plates- formes et des séries qui ne laissent pas d’inquiéter les distributeurs de films et les propriétaires de salles, nous avons la chance d’avoir un vivier cinématographique très vivant, avec une centaine, au moins, de longs-métrages tournés chaque année. Nous avons aussi le meilleur parc de salles en Europe. Pour les Américains, importer leurs produits en France est très important. Aujourd’hui, on ne traduit d’ailleurs même plus les titres de films…

P. de M. — N’est-ce pas là une forme d’impérialisme culturel ?

P. L. — Le terme, politique, est un peu fort. Je dirais plutôt que c’est le sens aigu du commerce, du marketing, de l’affichage et de l’imposition de thèmes, de personnages et de stars. En face, nous avons affaire à de grosses machines, les Warner, Fox, Paramount et compagnie. Nous n’avons pas chez nous l’équivalent des Brad Pitt, Leonardo DiCaprio, George Clooney, Robert De Niro, Sharon Stone, Meryl Streep ou Julia Roberts ; et cela, malgré de très bons acteurs et actrices que les Américains viennent chercher : Marion Cotillard, Jean Dujardin, Gérard Depardieu, Vincent Cassel, Omar Sy, Roschdy Zem, Eva Green, Juliette Binoche, Catherine Deneuve, Reda Kateb, Jean Reno… Ce qui est merveilleux, c’est l’interpénétration. Le cinéma, la musique, les arts plastiques, la littérature sont des activités humaines qui dépassent et franchissent toutes les frontières. Vous me direz qu’en matière politique et commerciale les Américains ne s’oublient jamais et que c’est America first, comme on l’a vu dernièrement avec la crise des sous-marins vendus à l’Australie. Sans doute est-ce la rançon à payer lorsqu’on est un timbre-poste sur la carte mondiale face à un continent. Comme toujours dans les histoires d’amour, il y a des allers-retours, des ruptures et des réconciliations. En leur temps, Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont eu le courage de s’opposer avec la plus grande netteté à la guerre en Irak voulue par George W. Bush, et puis les relations se sont normalisées. As usual…

P. de M. — Nous avons donc un destin commun ?

P. L. — Bien évidemment. N’oublions pas que l’Amérique demeure le seul grand pays occidental avec lequel la France n’a jamais connu de conflit. Par ailleurs, par deux fois en un siècle, elle est venue lutter à nos côtés, d’abord contre l’impérialisme allemand, puis pour nous sauver du cauchemar nazi.

De telles solidarités forgent, à l’évidence, une réelle unité de destin. Et puis nous partageons les mêmes valeurs, notamment notre engouement identique pour la démocratie — une forme de gouvernement dont Churchill avait raison de dire qu’elle est la pire… à l’exception de toutes les autres.