CHILI : UN MANDAT EXEMPLAIRE ?

n° 124 - Été 2009

Présidente du Chili depuis 2006, Michelle Bachelet a reçu Politique Internationale à son bureau du Palacio de la Moneda. Première femme élue à la magistrature suprême dans l'histoire de l'État chilien, elle a su imposer son autorité à ce pays latin et, en particulier, à son armée - une armée qui, pendant la dictature, l'avait torturée et avait assassiné son père (1). Membre du Parti socialiste chilien depuis 1970, ancienne ministre de la Santé (2000-2002) et de la Défense (2002-2004), leader de la « Concertation des partis pour la démocratie » - une coalition de partis au pouvoir depuis que le Chili a retrouvé la démocratie en 1990 (2) -, Mme Bachelet est l'une des principales représentantes de la gauche moderne en Amérique latine. À l'approche de la prochaine élection présidentielle, qui se tiendra en mars prochain et à laquelle elle ne pourra pas se représenter (la Constitution ne le lui permet pas), la présidente détaille, dans cet entretien exclusif, sa gestion de la crise économique et, plus généralement, la politique qu'elle a mise en oeuvre depuis son arrivée au pouvoir.S. D. B. Sophie De Bellemanière - Madame la Présidente, la crise financière n'épargne pas votre pays. Dans un tel contexte, il est fréquent que la population désigne du doigt les dirigeants politiques. Or, curieusement, vous échappez à cette règle et bénéficiez toujours d'un taux de popularité très élevé : 67 % d'opinions favorables, selon un sondage récent. Comment l'expliquer ?
Michelle Bachelet - Sachez, tout d'abord, que je n'ai jamais gouverné en pensant aux sondages ! Depuis mon élection, ma seule préoccupation a été de tenir les engagements pris aussi bien pendant ma campagne que durant ma présidence. Et si mon gouvernement et moi-même y sommes parvenus, c'est grâce à un travail permanent et assidu. La population nous en est reconnaissante. Voilà tout !
Pour ce qui est de la crise, il était prévisible qu'elle provoquerait une hausse du chômage et de la pauvreté. C'est pourquoi, dès l'année dernière, nous avons mis en place un ensemble de mesures visant à soutenir la consommation des ménages ainsi que les petites et moyennes entreprises qui sont, en général, les premières à subir les effets des bouleversements économiques. Grâce au stimulus fiscal (3) et au soutien au crédit, ces entreprises particulièrement vulnérables ont pu se maintenir à flot.
S. D. B. - Quelle a été la clé du succès de ces mesures au Chili?
M. B. - Un proverbe chilien dit : « Pendant les périodes de vaches grasses, il faut être prévoyant en vue des périodes de vaches maigres. » Nous avons suivi ce précepte à la lettre ! Résultat : quand la crise est survenue, nous avions non seulement des idées pour l'enrayer, mais aussi des moyens de réagir. De mon point de vue, il était absolument fondamental de ne pas laisser la population sombrer dans le désarroi. Pour ce faire, il fallait impérativement que le déficit fiscal et l'excédent structurel demeurent à des niveaux acceptables (4) ; sinon, les citoyens les plus pauvres se seraient retrouvés dans une situation désespérée.
S. D. B. - Au-delà de quelques désaccords ponctuels, qui sont inévitables, les relations entre les États de votre continent semblent très bonnes...
M. B. - Elles sont excellentes, en effet. Vous avez l'Union européenne. Nous, nous avons l'UNASUR (l'Union des nations d'Amérique du Sud) (5), une organisation régionale qui obéit au même principe d'unité dans la diversité. En ce moment, en Amérique du Sud, nous connaissons une situation politique inédite : dans tous nos pays, les dirigeants ont été élus démocratiquement. Et, avant la crise, toutes les économies sud-américaines affichaient des taux de croissance remarquables depuis sept à huit ans. J'aimerais que le monde nous regarde désormais comme une région mûre, sérieuse, responsable, qui a su faire les choses correctement.
Bien sûr, de nombreuses différences subsistent entre les leaders de nos pays. Des différences idéologiques, institutionnelles et même historiques. Mais nous sommes tous animés de la ferme volonté de combattre la pauvreté et d'offrir une vie meilleure à nos citoyens. C'est en grande partie pour cela que nous nous unissons au …

Sommaire

LE DEFI DES NEO-TALIBANS

Entretien avec Ahmed Rashid par Olivier Guez

L'ASIE A L'OMBRE DE LA BOMBE

par André Fontaine

POUTINE-MEDVEDEV : UNE LUTTE INEVITABLE?

par Viatcheslav Avioutskii

MEXIQUE : UN PAYS SOUS INFLUENCES...

par Babette Stern

CHILI : UN MANDAT EXEMPLAIRE ?

Entretien avec Michelle Bachelet par Sophie de Bellemaniere

HONGRIE : CHRONIQUE D'UNE FAILLITE EVITEE

Entretien avec Gordon Bajnai par Luc Rosenzweig

PLAIDOYER POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE

Entretien avec Bruno Le Maire par Baudouin Bollaert

LES BALKANS OCCIDENTAUX FACE A LA CRISE MONDIALE

par Jean-Arnault Dérens

ISRAEL : LE MAUVAIS GOUVERNEMENT AU MAUVAIS MOMENT ?

par Frédéric Encel

MACEDOINE : LE NOM DE LA DISCORDE

Entretien avec Nikola Gruevski par Isabelle Lasserre

CRISE MONDIALE: LES GAGNANTS ET LES PERDANTS

Entretien avec Charles Gave par Henri Lepage

AFGHANISTAN-PAKISTAN : UN MEME PERIL

par Jean-Pierre Perrin

POUR UNE « PAIX ECONOMIQUE »

par Benny Cohen

GEORGIE : UN PRESIDENT DANS LA TEMPETE

Entretien avec Mikheïl Saakachvili par Galia Ackerman

CAUCASE DU SUD : LE TEMPS DE L'UNITE ?

par Gaïdz Minassian

OUZBEKISTAN : UNE DICTATURE OUBLIEE

Entretien avec Moutabar Tadjibaeva par Natalia Rutkevich

AU NOM DE TOUS LES OPPRIMES

Entretien avec Taslima Nasreen par Alexandre Del Valle

RUSSIE : PEUT-ON EN FINIR AVEC LA CORRUPTION

Entretien avec Pavel Astakhov par Galia Ackerman

DIPLOMATIE AMERICAINE : LE RETOUR DE LA GRANDE TRADITION

Entretien avec Richard Haas par Olivier Guez

KOSOVO, AN I

Entretien avec Fatmir Sejdiu par Ilda Mara

LES ISLAMISTES ET LA BOMBE PAKISTANAISE

par Bruno Tertrais