Michelle Bachelet - Sachez, tout d'abord, que je n'ai jamais gouverné en pensant aux sondages ! Depuis mon élection, ma seule préoccupation a été de tenir les engagements pris aussi bien pendant ma campagne que durant ma présidence. Et si mon gouvernement et moi-même y sommes parvenus, c'est grâce à un travail permanent et assidu. La population nous en est reconnaissante. Voilà tout !
Pour ce qui est de la crise, il était prévisible qu'elle provoquerait une hausse du chômage et de la pauvreté. C'est pourquoi, dès l'année dernière, nous avons mis en place un ensemble de mesures visant à soutenir la consommation des ménages ainsi que les petites et moyennes entreprises qui sont, en général, les premières à subir les effets des bouleversements économiques. Grâce au stimulus fiscal (3) et au soutien au crédit, ces entreprises particulièrement vulnérables ont pu se maintenir à flot.
S. D. B. - Quelle a été la clé du succès de ces mesures au Chili?
M. B. - Un proverbe chilien dit : « Pendant les périodes de vaches grasses, il faut être prévoyant en vue des périodes de vaches maigres. » Nous avons suivi ce précepte à la lettre ! Résultat : quand la crise est survenue, nous avions non seulement des idées pour l'enrayer, mais aussi des moyens de réagir. De mon point de vue, il était absolument fondamental de ne pas laisser la population sombrer dans le désarroi. Pour ce faire, il fallait impérativement que le déficit fiscal et l'excédent structurel demeurent à des niveaux acceptables (4) ; sinon, les citoyens les plus pauvres se seraient retrouvés dans une situation désespérée.
S. D. B. - Au-delà de quelques désaccords ponctuels, qui sont inévitables, les relations entre les États de votre continent semblent très bonnes...
M. B. - Elles sont excellentes, en effet. Vous avez l'Union européenne. Nous, nous avons l'UNASUR (l'Union des nations d'Amérique du Sud) (5), une organisation régionale qui obéit au même principe d'unité dans la diversité. En ce moment, en Amérique du Sud, nous connaissons une situation politique inédite : dans tous nos pays, les dirigeants ont été élus démocratiquement. Et, avant la crise, toutes les économies sud-américaines affichaient des taux de croissance remarquables depuis sept à huit ans. J'aimerais que le monde nous regarde désormais comme une région mûre, sérieuse, responsable, qui a su faire les choses correctement.
Bien sûr, de nombreuses différences subsistent entre les leaders de nos pays. Des différences idéologiques, institutionnelles et même historiques. Mais nous sommes tous animés de la ferme volonté de combattre la pauvreté et d'offrir une vie meilleure à nos citoyens. C'est en grande partie pour cela que nous nous unissons au …