Présidente du Chili depuis 2006, Michelle Bachelet a reçu Politique Internationale à son bureau du Palacio de la Moneda. Première femme élue à la magistrature suprême dans l'histoire de l'État chilien, elle a su imposer son autorité à ce pays latin et, en particulier, à son armée - une armée qui, pendant la dictature, l'avait torturée et avait assassiné son père (1). Membre du Parti socialiste chilien depuis 1970, ancienne ministre de la Santé (2000-2002) et de la Défense (2002-2004), leader de la « Concertation des partis pour la démocratie » - une coalition de partis au pouvoir depuis que le Chili a retrouvé la démocratie en 1990 (2) -, Mme Bachelet est l'une des principales représentantes de la gauche moderne en Amérique latine. À l'approche de la prochaine élection présidentielle, qui se tiendra en mars prochain et à laquelle elle ne pourra pas se représenter (la Constitution ne le lui permet pas), la présidente détaille, dans cet entretien exclusif, sa gestion de la crise économique et, plus généralement, la politique qu'elle a mise en oeuvre depuis son arrivée au pouvoir.S. D. B.
Sophie De Bellemanière - Madame la Présidente, la crise financière n'épargne pas votre pays. Dans un tel contexte, il est fréquent que la population désigne du doigt les dirigeants politiques. Or, curieusement, vous échappez à cette règle et bénéficiez toujours d'un taux de popularité très élevé : 67 % d'opinions favorables, selon un sondage récent. Comment l'expliquer ?
Michelle Bachelet - Sachez, tout d'abord, que je n'ai jamais gouverné en pensant aux sondages ! Depuis mon élection, ma seule préoccupation a été de tenir les engagements pris aussi bien pendant ma campagne que durant ma présidence. Et si mon gouvernement et moi-même y sommes parvenus, c'est grâce à un travail permanent et assidu. La population nous en est reconnaissante. Voilà tout !
Pour ce qui est de la crise, il était prévisible qu'elle provoquerait une hausse du chômage et de la pauvreté. C'est pourquoi, dès l'année dernière, nous avons mis en place un ensemble de mesures visant à soutenir la consommation des ménages ainsi que les petites et moyennes entreprises qui sont, en général, les premières à subir les effets des bouleversements économiques. Grâce au stimulus fiscal (3) et au soutien au crédit, ces entreprises particulièrement vulnérables ont pu se maintenir à flot.
S. D. B. - Quelle a été la clé du succès de ces mesures au Chili?
M. B. - Un proverbe chilien dit : « Pendant les périodes de vaches grasses, il faut être prévoyant en vue des périodes de vaches maigres. » Nous avons suivi ce précepte à la lettre ! Résultat : quand la crise est survenue, nous avions non seulement des idées pour l'enrayer, mais aussi des moyens de réagir. De mon point de vue, il était absolument fondamental de ne pas laisser la population sombrer dans le désarroi. Pour ce faire, il fallait impérativement que le déficit fiscal et l'excédent structurel demeurent à des niveaux acceptables (4) ; sinon, les citoyens les plus pauvres se seraient retrouvés dans une situation désespérée.
S. D. B. - Au-delà de quelques désaccords ponctuels, qui sont inévitables, les relations entre les États de votre continent semblent très bonnes...
M. B. - Elles sont excellentes, en effet. Vous avez l'Union européenne. Nous, nous avons l'UNASUR (l'Union des nations d'Amérique du Sud) (5), une organisation régionale qui obéit au même principe d'unité dans la diversité. En ce moment, en Amérique du Sud, nous connaissons une situation politique inédite : dans tous nos pays, les dirigeants ont été élus démocratiquement. Et, avant la crise, toutes les économies sud-américaines affichaient des taux de croissance remarquables depuis sept à huit ans. J'aimerais que le monde nous regarde désormais comme une région mûre, sérieuse, responsable, qui a su faire les choses correctement.
Bien sûr, de nombreuses différences subsistent entre les leaders de nos pays. Des différences idéologiques, institutionnelles et même historiques. Mais nous sommes tous animés de la ferme volonté de combattre la pauvreté et d'offrir une vie meilleure à nos citoyens. C'est en grande partie pour cela que nous nous unissons au …
Michelle Bachelet - Sachez, tout d'abord, que je n'ai jamais gouverné en pensant aux sondages ! Depuis mon élection, ma seule préoccupation a été de tenir les engagements pris aussi bien pendant ma campagne que durant ma présidence. Et si mon gouvernement et moi-même y sommes parvenus, c'est grâce à un travail permanent et assidu. La population nous en est reconnaissante. Voilà tout !
Pour ce qui est de la crise, il était prévisible qu'elle provoquerait une hausse du chômage et de la pauvreté. C'est pourquoi, dès l'année dernière, nous avons mis en place un ensemble de mesures visant à soutenir la consommation des ménages ainsi que les petites et moyennes entreprises qui sont, en général, les premières à subir les effets des bouleversements économiques. Grâce au stimulus fiscal (3) et au soutien au crédit, ces entreprises particulièrement vulnérables ont pu se maintenir à flot.
S. D. B. - Quelle a été la clé du succès de ces mesures au Chili?
M. B. - Un proverbe chilien dit : « Pendant les périodes de vaches grasses, il faut être prévoyant en vue des périodes de vaches maigres. » Nous avons suivi ce précepte à la lettre ! Résultat : quand la crise est survenue, nous avions non seulement des idées pour l'enrayer, mais aussi des moyens de réagir. De mon point de vue, il était absolument fondamental de ne pas laisser la population sombrer dans le désarroi. Pour ce faire, il fallait impérativement que le déficit fiscal et l'excédent structurel demeurent à des niveaux acceptables (4) ; sinon, les citoyens les plus pauvres se seraient retrouvés dans une situation désespérée.
S. D. B. - Au-delà de quelques désaccords ponctuels, qui sont inévitables, les relations entre les États de votre continent semblent très bonnes...
M. B. - Elles sont excellentes, en effet. Vous avez l'Union européenne. Nous, nous avons l'UNASUR (l'Union des nations d'Amérique du Sud) (5), une organisation régionale qui obéit au même principe d'unité dans la diversité. En ce moment, en Amérique du Sud, nous connaissons une situation politique inédite : dans tous nos pays, les dirigeants ont été élus démocratiquement. Et, avant la crise, toutes les économies sud-américaines affichaient des taux de croissance remarquables depuis sept à huit ans. J'aimerais que le monde nous regarde désormais comme une région mûre, sérieuse, responsable, qui a su faire les choses correctement.
Bien sûr, de nombreuses différences subsistent entre les leaders de nos pays. Des différences idéologiques, institutionnelles et même historiques. Mais nous sommes tous animés de la ferme volonté de combattre la pauvreté et d'offrir une vie meilleure à nos citoyens. C'est en grande partie pour cela que nous nous unissons au …
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